mercredi 3 avril 2013

Procès PIP : une justice de masse est déjà pointée

Selon la défense, le soutien logistique apporté par le tribunal aux victimes rompt l’exigence d’impartialité.

A deux semaines du procès  pour tromperie aggravée et escroquerie de cinq ex-dirigeants de la société varoise PIP dont son fondateur Jean-Claude Mas qui fabriquait et distribuait des prothèses mammaires viciées, la défense affûte ses armes et dénonce déjà une organisation trop partiale de cet événement judiciaire exceptionnel. La justice foraine ouvrira ses portes le 17 avril au Parc Chanot pour un mois de débats.
Grégoire DULIN, vice-président, secrétaire général de la Présidence et Jérôme BOURRIER, vice-procureur, secrétaire général du parquet de Marseille (Photo AFP)

    Au vu du nombre exceptionnel de victimes, le choix s’est arrêté sur un grand hall d’exposition. Un budget de 800.000 euros a été alloué à l’organisation du procès. Les préparatifs vont bon train pour l’aménagement de ce qui sera le « Pôle d’audience du Palais de l’Europe ». 5.127 plaintes ont été adressées à ce jour au parquet de Marseille dont 220 plaintes étrangères provenant en majorité d’Autriche et d’Argentine. Formellement, 1.100 constitutions de parties civiles ont été reçues et 300 avocats sont déjà désignés dans ce procès de masse. Le nombre de porteuses d’implants susceptibles de se constituer parties civiles est considérable : 30.000 femmes en France en sont porteuses. Leur nombre dans le monde oscille entre 350.000 et 500.000. Sur les conseils du ministère de la Santé, 14.327 femmes ont déjà choisi de se faire retirer l’implant.
    Le « Pôle d’audience du Palais de l’Europe » est un espace modulaire de 4.800m2. Il comprendra une vaste salle d’audience de 700 places dont 400 avocats et 44 journalistes. Trois salles d’audience annexes permettront à 830 personnes de suivre les débats par vidéo-transmission. Rien n’a été négligé. L’aménageur a prévu une salle de repos pour les victimes, une salle des témoins, une salle de délibéré, une salle de presse, un greffe dédié composé de 30 fonctionnaires. La logistique qui n’est pas sans rappeler celle mise en oeuvre pour le procès AZF (2.600 parties civiles) est à la mesure d’un dossier qui compte plus de 110.000 côtes et qu’il a fallu numériser (4 CD-Rom)pour en assurer la communication en temps réel à tous les avocats.

Le « Pôle d’audience du Palais de l’Europe » au Parc Chanot à Marseille


Contestation sur le soutien logistique aux victimes

« On est écrasé par la masse des procédures qu’on ne peut plus lire. Le code de procédure pénale n’est pas fait pour les procès  de masse », constate Me Jean Boudot, conseil de Hannelore Font, l’ex-directrice qualité chez PIP. Plus grave, il dénonce l’« implication directe » de la 6ème chambre correctionnelle présidée par Catherine Vieillard, son « soutien logistique apporté aux parties civiles dans l’organisation de la présentation de leurs demandes ».
En amont du procès, la juridiction s’est en effet assurée de la prise en charge des victimes en facilitant le traitement de leurs demandes, en associant l’INAVEM  au plan national, et l’AVAD localement, à l’élaboration de modèles de constitution de partie civile et de fiches d’information téléchageables sur le site du ministère de la justice.
    Cette sollicitation envers les victimes heurte l’avocat en ce qu’à ses yeux elle déséquilibre le procès à venir en induisant déjà des postes de préjudices que la défense réfute. « La manière dont le tribunal s’engage au soutien des parties civiles remet en cause l’égalité de traitement et fait naître un doute sur l’impartialité du tribunal », accuse Me Jean Boudot qui a déposé une requête en suspicion légitime qu’il ne peut signifier que par courriel aux 5.127 plaignantes. Par voie d’huissier, il en coûterait 20.000 euros de frais d’envoi à sa cliente ! 
David COQUILLE

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