18 avril 2013. Le tribunal tranche ce matin les demandes de renvoi présentées par la défense. La tension excessive de cette première audience est à la mesure du gigantisme de cette affaire de tromperie.
Une vague de robes noires et de victimes remontées. Le procès de Jean-Claude Mas et de quatre ex-dirigeants de la société PIP s’est ouvert hier dans la salle d’audience délocalisée du Parc Chanot de Marseille, suivi par près de 400 plaignantes qui, dans cette étrange ambiance de justice foraine sinon de kermesse judiciaire, ont manifesté tout haut leur ressentiment.
Cette première audience très procédurière était consacrée aux requêtes de la défense demandant le renvoi sine die du procès le temps de déférer une « question prioritaire de constitutionnalité ». La Cour de Cassation s’est déjà déclarée incompétente pour statuer sur une requête en « suspicion légitime » dirigée contre le tribunal.
Jean-Claude Mas était, lui, arrivé avec une demi-heure d’avance avec son avocat Me Yves Hadad. Un silence tétanisé a d’abord accueilli l’entrée de la figure de proue du scandale des prothèses mammaires. L’homme âgé de 73 ans, habillé d’un pantalon de velours marron et d’une veste marine et jaune vive, était aussitôt assailli, englouti par un pack de dizaines de journalistes et de cameramen, douché par les flash comme une star traquée. De longues minutes de débordements avant qu’un service d’ordre n’intervienne. Ses co-prévenus, Claude Couty, Hannelore Font, Thierry Brinon et Loïc Gossart s’étaient plus discrètement installés dans la salle.
Le «vertige» de la défense, la «nausée» des parties civiles
Après avoir décliné son identité, l’ex-président fondateur accusé de tromperie aggravé et d’escroquerie répondait qu’il percevait « 1.700 voire 1.800 euros de retraite », déclenchant les huées et risées de nombreuses victimes assises au fond de la salle. « Connard ! », l’apostrophait bruyamment une femme. Le public s’est laissé aller à de régulières manifestations d’hostilité et de ressentiment sans que la présidente Claude Vieillard ne parvienne à installer son autorité.
« J’ai le vertige à présent. Le gigantisme de ce procès est exceptionnel », déclarait Me Christophe Bass, l’avocat de Claude Couty qui dénonçait le choix du parquet de scinder l’affaire : le volet « blessures involontaires » étant encore à l’instruction avec le volet financier, ce qui à ses yeux porte atteinte aux droits de la défense si le procès du volet «tromperie» devait avoir lieu. D’insister : « Ce procès n’est ni lisible ni compréhensible alors que l’instruction continue d’investiguer ».
« Ils sont déjà ruinés par la décision que vous rendrez ! »
« Ceux qui sont derrière moi, on ne peut pas les accuser comme ça ! Ils sont déjà ruinés par la décision que vous rendrez », s’agaçait Me Jean Boudot, conseil de l’ex-directrice de la qualité chez PIP, plusieurs fois chahuté et hué par les victimes. « On n’a jamais eu autant de parties civiles. 50 mails de constitutions par heure. Une Brésilienne, une Syrienne, une Roumaine... On n’a jamais eu à affronter ça. Ce procès est unique. C’est la première fois dans l’histoire procédurale française que le ministère public choisit la citation directe sans passer par l’information judiciaire »
Prenant exemple de milliers documents techniques anglais qu’il est impossible à sa cliente de faire traduire en raison des coûts mais qui lui sont indispensables pour prouver que « le taux de rupture des implants PIP n’est pas forcément supérieur à ceux des concurrents », Me Boudot prévenait : « A 40 euros la page, on me refuse la traduction alors je vous les verse en anglais. Voilà où nous conduisent ces choix procéduraux ! »
« Notre honnêteté et loyauté »
Le procureur de la République, Jacques Dallest, justifiait le cadre juridique des poursuites qu’il qualifiait de « réfléchi et concerté » : « Le code de procédure pénale est un et indivisible qu’il y ait un ou des prévenus, une ou des milliers de victimes. Qu’on ne nous reproche pas notre honnêteté et notre loyauté. Ce n’est pas facile cette procédure. Nous avons fait application exacte de la loi pénale dans un souci de justice.»
Les parties civiles refusent évidemment tout renvoi. « Les prévenus ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude pour demander au conseil constitutionnel de faire suspendre le procès en renvoyant le dossier pour qu’il reste dix ans à l’instruction », pestait Me Olivier Gutkès rejoint par l’avocat de l’Agence nationale de sécurité du médicament, Me Pierre-Olivier Sur : « L’enquête préliminaire en circuit court, c’est 97% des affaires. Alors qu’on ne vous demande pas de priver les victimes du procès ! »
Laurent Gaudon, avocat de 1600 victimes en rajoutait : « J’ai entendu parler de vertige. Pour nous, partie civile, c’est plutôt la nausée. » Les victimes l’acclamaient avec Me Christine Ravaz qui exigeait de savoir si Jean-Claude Mas avait des « comptes offshore dans le Delaware ». « Tout ça c’est complètement dilatoire avec pour seul but de salir la justice ! », concluait Me Philippe Courtois qui glissait en passant que parmi ses 2600 victimes, certaines souhaitaient la peine de mort...
David COQUILLE
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