jeudi 11 avril 2013

Le colonel Luc Jorda au bas de l’échelle

Le parquet requiert la relaxe pour harcèlement moral d’une capitaine.

Le directeur du Sdis des 1 100 sapeurs-pompiers professionnels des Bouches-du-Rhône jugé hier après 11 ans de procédure pour harcèlement moral sur sa chef des ressources humaines. Luc Jorda, 62 ans, en poste depuis 1997, est accusé d’avoir bloqué la carrière du capitaine Isabelle Bérard, 48 ans.
Entrée au Sdis en 1989, cette officier avait vu sa carrière bloquée depuis 1999. « C’est difficile pour une femme d’être sapeur-pompier. Il faut faire ses preuves tout le temps. Il refusait de me noter », explique-t-elle. Le 17 avril 2012, la cour administrative d’appel lui a accordé 10 000 euros sur ce dernier grief. Isabelle parle de brimades, d’insultes, d’obstacles mis à son avancement, jusqu’à des accusations de détournement. Son colonel ne communiquait plus que par post-it. Elle se retrouve isolée dans un Algeco, « avec des journées à ne rien faire ». « Il m’a oubliée pendant 7 ans. On me donnait à faire ce que les emplois jeune refusaient de faire, coller des étiquettes », raconte la capitaine contre laquelle son colonel émettait systématiquement des avis défavorables, refusait ses stages de formation. « Elle n’avait pas le niveau ! », réplique Luc Jorda qui, d’une phrase, tombe de la grande échelle : « Elle m’a demandé de la nommer commandant, je ne le pouvais pas pour des raisons de quota. Nos relations se sont dégradées. J’avais des pressions de Mme Bérard. »
La présidente, Estelle de Revel, lui lit le témoignage d’un sapeur : « C’est un homme colérique. Je l’ai entendu la traiter de "petite peste", de "connasse". Si on n’entre pas dans le système Jorda, on est écarté, mis au ban de la vie du Sdis. » La réplique fuse : « Ce commandant, nous avions dû le relever de ses fonctions pour du trafic de pièces détachées dans son service ! »

« Le Sdis n’est ni un zoo ni une jungle »
Jorda avait repris à Isabelle le véhicule de service alors qu’elle était d’astreinte. « Qui a décidé de venir récupérer son véhicule dans son jardin ?! C’est vous le responsable ! », se crispe la présidente. « Je ne m’occupe pas des détails. J’ai donné un objectif. Cela faisait cinq semaines qu’elle était en maladie », admet le colonel. Le patron du Sdis livre sa méthode : « J’essaie de casser les copinages et les groupes qui se forment. Je fais en sorte que les gens tournent pour qu’il n’y ait pas de rente et de cooptation. Elle était sans cesse en opposition avec sa hiérarchie. Je n’avais pas confiance car sa manière de servir était de tout contester. » Un syndicaliste, Jean-Bruno Boueri, de la CGT Services publics, salue le courage de l’officier victime, et fait mouche : « Le Sdis n’est ni un zoo ni une jungle mais un service public qui mérite que les agents soient respectés pour leur mérite et leur dignité. » Le parquet craque : « Vous avez un boulevard pour la relaxe ! » « Vous êtes un pompier de papier ! », lance Me Laurent Gaudon, partie civile, au colonel. « Le Sdis est sous coupes réglées sous la férule de Jorda. Aux uns les bonus, aux autres les malus », ajoute Me Vincent Euvrad pour le syndicat autonome des sapeurs.
Délibéré le 6 mai.
David COQUILLE

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