mardi 9 avril 2013

Autour d'un taudis de la rue d’Aubagne

Malgré un arrêt jugé clément, Manuel Saez se pourvoit en cassation

D’un côté, un long combat judiciaire, celui d’une misère sociale brute à tous les étages, imposée durant des années aux occupants d’un taudis de la rue d’Aubagne. Une affaire avec un drame puisqu’une veuve et des orphelins déplorent toujours la chute mortelle d’un mari, d’un père dans une cage d’escaliers au garde-corps sommaire dans un immeuble frappé d’un arrêté municipal d’insalubrité et de péril. De l’autre, un entêtement, Manuel Saez, 56 ans, un propriétaire sûr de lui, décidé à échapper à toute répression pénale, nostalgique des 5.000 euros par mois tirés de son « petit bijou » (sic). L’homme qui accuse ses locataires de tous les maux s’est immédiatement pourvu en cassation alors que la cour d’appel d’Aix-en-Provence venait d’adoucir les peines prononcées à son encontre.

« Vous êtes un marchand de sommeil ! »

Dans leur arrêt du 4 mars 2013, les juges d’appel restituaient en effet à ce propriétaire sans scrupules l’immeuble de 5 étages aux 19 logements de misère, situé 29 rue d’Aubagne, que le tribunal correctionnel de Marseille lui avait confisqué par jugement du 14 mars 2012. Mieux, la cour infirmait l’interdiction de gérer. Rappelons qu’à titre de peine principale, la 6ème chambre correctionnelle de Marseille l’avait condamné à 10 mois de prison ferme et 5 ans d’interdiction de gérer, dosé de 50.000 euros d’amende pour sa SCI et son épouse, gérante de droit.
Au procès en appel le 4 février 2013, le président Germain avait pourtant vertement apostrophé le prévenu : « Vous êtes un marchand de sommeil ! » M. Saez, défendu par Me Franck Abikhzer, avait demandé la clémence de la cour, soutenant - on s’accroche - que « les locaux privatifs avaient été loués initialement en bon état, qu’il appartenait aux locataires d’assurer leur entretien, qu’il n’avait pas obligation de doter chaque logement de toilettes, que des toilettes communes étaient à disposition dans l’immeuble ». Les juges d’appel ont confirmé la relaxe d’homicide involontaire « en l’absence de certitude » sur le lien de causalité entre la vétusté de l’escalier et la chute mortelle le 13 février 2007 de Ramadame Fekari, un travailleur handicapé de 56 ans, retrouvé, cinq étages plus bas, le crâne fracassé, au pied de la cage d’escaliers. Pour le reste qui n’est pas rien (habitat insalubre, soumission de personnes vulnérables et dépendantes à des conditions d’hébergement indigne, mise en danger d’autrui, refus délibéré d’exécuter des travaux prescrits par un arrêté de péril, refus de mauvaise foi de reloger), la cour d’appel, sans négliger le « passé judiciaire important » de Manuel Saez, a opté pour une peine qui « doit permettre l’indemnisation des victimes », soit 18 mois de prison avec sursis sous le régime de 3 années de mise à l’épreuve, assortie d’une amende de 50.000 euros d’amende. La cour a en outre alloué 5.000 euros à douze locataires seulement défendus par Me Chantal Bourglan, Me Delphine Calmettes et Me Hajer Amri.
David COQUILLE

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