vendredi 26 avril 2013

« Vous avez pleuré sur vous, pas sur nous ! »

Témoignages dignes et bouleversants de femmes victimes qui dénoncent le déni de réalité de Mas

26 avril 2013. Le temps des victimes, de leurs questions, de leurs peurs et de leur colère aussi. Après l’âpreté de débats souvent pointilleux, le procès du fabricant PiP de prothèses mammaires viciés et de quatre cadres a donné la parole aux parties civiles. Une tribune grand écran pour des suppliciées bouleversante dont la part de vérité s’est déversée comme de la chaux sur les prévenus.
« On m’avait dit que c’était la Rolls de la prothèse », raconte Christine qui après un cancer voulait « réparer quelque peu ce qui avait été endommagé. » Quatre opérations déjà quand éclate l’affaire PiP. « Le chirurgien me dit qu’il faut l’enlever. Pour moi c’était de l’ordre de l’agression. Mes proches m’ont supplié d’y retourner. Des chirurgiens me disaient «j’en ai posé des PiP et alors ?!» Son récit se tourne alors vers les prévenus. « Il y avait des verrous contre ce Geo Trouvetou et ces professeurs Tournesol et ils ont tous sauté ! Le premier verrou, c’était Hannelaure Font. Qu’on ne me dise pas quand on est directrice qualité qu’on a du accepter sous la contrainte ! Le deuxième verrou, c’était les organismes de certification. Et là j’ai pas le syndrome de l’anxiété mais de la perte de confiance totale. Le troisième verrou, c’était l’ANSM et ses explications sont indécentes. Je n’ai pas de haine mais du mépris », conclut Christine.
Elle est toute menue, toute émue, tassée face au micro pour parler des « mutilations » qu’elle a endurées. Valérie avait gardé huit ans cette prothèse qui « m’a rendu ma féminité » « J’aimerais tellement laisser ici ce qui est rentré dans mon corps. » Cette huile dans mon corps qu’est-ce qu’elle devient ? Elle se diffuse partout avec quel effet ? C’est là la source de mes incertitudes et de mes questions », lui succède Christine qui après avoir perdu un sein en 2002, avait accepté une prothèse pour « retrouver un volume, permettre à mon compagnon de se remplir les mains ». Arrive mars 2010, « l’annonce de la fuite intempestive de cette prothèse » suivie d’un ganglion cancéreux. « Là je n’avais pas autant envie de me battre... » Les mots lui brûlent les lèvres. Il faut encore parler. « Dans cette histoire, je ne peux m’empêcher ayant été enseignante de m’interroger sur le type de société qu’on veut promouvoir. Ce n’est pas criminel que l’on veuille de l’argent mais quand ça devient supérieur à la vie des personnes. Qu’on ne traite pas les personnes comme un moyen mais comme une fin ! »

« Toutes ces souffrances dues à une tromperie »
Discrète entre toutes, Karine, sourde et muette qu’une interprète seconde de ses mains. « J’arrivais pas à avoir d’informations, c’était encore plus difficile avec ma situation de surdité, une sorte de double angoisse. »
Katia, elle, est « venue témoigner par délégation du cas de ma soeur». Les pleins pouvoirs pour Edwige décédée d’un cancer en 2011. Edwige, c’est l’autre volet «homicide involontaire» toujours à l’instruction. « Toutes ces souffrances dues à une tromperie qui a amené à 5000 victimes, des femmes toute troublées et qui ont toute peur que la finalité soit pour elles, la même qu’Edwige. »
Un cri vient d’Espagne. Patrizia, le roulé des «R» et la légèreté de Victoria Abril. « Pourquoi il continue le procès madame la juge ? Y a pas assez de preuves ?! Et mon chirurgien qui voulait porter plainte contre moi ?! Allez je m’arrête, c’est mieux. » Rires dans la salle. Autre cri mais de colère celui-là : « Vous êtes tous responsables et coupables du mal que vous nous avez imposés ! Mademoiselle Font, vous avez pleuré sur vous, pas sur nous ! Monsieur Brinon, comment pouvez-vous regarder votre mère dans les yeux ?! Vous ne fabriquiez pas des bibelots mais des prothèses pour des corps de femmes. Cette culture d’entreprise basée sur le mensonge est insupportable. Vous nous avez oubliées ! », jette Joëlle, explantée « le jour de mes trente ans de mariage ». Ginette, Karine, toutes dignes et belles comme Rachel qui tremble et hoquète : « C’était juste pour remonter ma poitrine, j’avais eu trois enfants. » Bruits de mouchoir.
David COQUILLE
Les débats du procès en direct sur www.lamarseillaise.fr.

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