vendredi 17 mai 2013

« Des ruptures, mais c’est la vie de l’implant »

Le procès PIP a pris fin, laissant Jean-Claude Mas, campé sur la certitude que sa tromperie était sans danger.

18 mai 2013. Le « procès masse de monsieur Mas » s’est achevé hier, suivant la formule de son avocat Me Yves Haddad. Après un mois de débats échevelés, de réquisitoire et de plaidoiries endiablées, le tribunal exceptionnellement délocalisé au palais des expositions du parc Chanot, a mis son jugement en délibéré. Il  sera rendu au tribunal de commerce de Marseille le 10 décembre prochain. Entre temps, le tribunal de commerce de Toulon aura statué, le 7 octobre, sur l’action civile de distributeurs et porteuses d’implants qui réclament 50 millions d’euros au certificateur allemand Tüv, accusé de négligences et qui se dit victimes des manoeuvres frauduleuses de la société PIP.
    Essuyant à l’ouverture du procès le 14 avril dernier les huées de porteuses d’implants remplis de son gel non conforme, celui qui s’était lui même dénommé comme le « grand satan », a pris la parole en dernier, à la différence de ses quatre coprévenus qui ont judicieusement compris qu’il valait mieux se taire. Jean-Claude Mas, lui, ne pouvait repartir sans un dernier pied de nez à la salle, au média et à « ces dames, les patientes, les victimes » qu’il a voulu rassurer et d’étrange manière :  « Le gel PIP, il est pas irritant mais pas du tout, il n’est pas toxique, il n’est pas dangereux », a redit l’homme contre qui 4 ans de prison ferme ont été requis pour tromperie aggravée et escroquerie.
    Au centre de ce scandale planétaire sur 72 pays dont 30.000 françaises et pour lequel 7.545 femmes se sont constituées parties civiles à Marseille, le septuagénaire inoxydable a émis un reproche et un seul envers ses anciens directeurs jugés avec lui. Et cela en disait long sur l’inaltérable conviction que son gel est le meilleur : « J’ai un petit reproche à leur faire : j’ai l’impression qu’ils ont douté en 2009. »  Cette année-là, la recrudescence de prothèses rompues allait conduire au contrôle fatidique et trop tardif de l’Afssaps en mars 2010 et la décision de retrait des prothèses du marché.

«
Mesdames l'anxiété, c’est psychosomatique ! »
    « Il y avait certes des incidents, c’est la vie de l’implant qui est comme ça », a dit Jean-Claude Mas qui avoue la tromperie mais ne cède rien sur le caractère dangereux qu’il dénie. Différentes études semblent lui donner raison. « Tous les tests de biocompatibilité avaient été faits en amont par PIP », ont assuré hier en choeur le patron déchu avec son avocat. C’est pas la faute à son gel « le syndrome d’anxiété qui est devenu du stress, de l’angoisse, de la panique », c’est « psychosomatique » ! « C’est pas un mauvais mot mais c’est incontrôlable», s’empresse d’ajouter le plus sérieusement du monde Jean-Claude Mas, empirique et toujours pas scientifique : « Après un coup du lapin, je prenais du Lexomil, je me levais la nuit, j’avais le syndrome de l’infarct. C’est une maladie sournoise, c’est une horreur ! »
    Son avocat avait concentré son tir sur le ministère public, le taxant de « parquet insuffisamment préparé », contre pied à la formule maladroite car ironique du procureur Jacques Dallest qui avait dit de PIP que c’était la « perspective d’irritation programmée ». « Mas, c’est peut être un charlatan c’est une certitude, mais ses prothèses n’ont tué personne dans le monde », a dit Me Haddad préférant voir dans ce scandale « la faillite d’un système, de l’Afssaps qui a si honte qu’elle a changé son nom, cette agence de sécurité qui ne sécurise rien, ce Tüv qui ne certifie rien. »
David COQUILLE

Une fraude qui n’a laissé personne inactif

Le «ah-j’aurais voulu vous y voir» des cadres de la société replace Jean-Claude Mas au centre de l’accusation

17 mai 2013. Relaxe. Le mot est inaudible des porteuses de prothèses PIP pour lesquelles il signifie déni de souffrances. Loïc Gossart le directeur de la fabrication - après Thierry Brinon son homologue de la recherche & développement la veille - l’a demandée par la voix de Me Roland Rodriguez. Et une « relaxe pleine et entière ». Non que moralement il ne se sente pas responsable, il dit même être « rongé de honte » mais « compte tenu des actions qu’il a menées dans la société, du désaccord qu’il a nettement fait connaître », cet « exécutant » qui « a agi sur ordre » ne doit pas être condamné et sûrement pas à 3 ans de prison dont moitié ferme requis.
    A entendre son avocat, Loïc Gossart « s’est battu » et est de « ceux qui ont agi pour mettre fin à un système. Si se battre doit être considéré comme avoir adhéré sciemment à la fraude, je dis qu’il y en a plein d’autres comme lui qui ne sont pas là ». N’a t-on pas compris que « ce gel, c’est la figure imposée » par Jean-Claude Mas depuis 2001 à ses 120 salariés ?
    « La seule faute que Claude Couty a toujours reconnue, la seule, la vraie, c’est celle d’avoir laissé imposer le marquage CE sur les prothèses », a très clairement admis Me Christophe Mamelli pour le directeur général de la société PIP, celui qui a « mis en place les outils pour briser le système Mas » après avoir appris en novembre 2005 la non conformité du second gel révélé aux autorités en mars 2010. Oui « Claude Couty sait que la société est en infraction » mais « en capitaine de navire », il exclut de démissionner et ne donne pas « l’ordre de stopper immédiatement la fabrication au gel PIP, quitte à mettre au chômage 120 personnes. Pour cela il est coupable. » Reste que « Claude Couty n’a pas été l’acteur ou le complice passif et sans âme d’un scandale sanitaire. Il a agi en conscience avec les éléments dont il disposait. »
    Le combat de Me Christophe Bass pour ce même prévenu menacé de 4 ans de prison dont 2 ferme, ce n’est pas de convaincre ceux qui « n’ont rien voulu comprendre » mais à tout le moins d’ « empêcher que la justice ne soit guidée que par les sirènes de la douleur et de la vindicte des parties civiles ». « La tromperie n’est pas aggravée ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas grave », nuance l’avocat qui lave du pêché originel tous les  lots traçables de prothèses produites à compter de janvier 2006 avec du bon gel homologué, ce qui libère « 7684 femmes » de tout préjudice d’anxiété. Et Couty aussi d’un poids indemnitaire équivalent.

« Vous chasserez l’opinion publique qui a déjà jugé »

    De répéter que l’usage du gel non conforme n’a pas eu « pour conséquence de rendre l’utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé ». D’asséner une vérité hospitalière à moitié tue : « Le risque (de rupture) est inhérent à tout dispositif médical implantable au gel de silicone. » La prothèse mammaire, « c’est de toute façon un produit dangereux. » Son élève avocat François Mazon  (ex-grand dirigeant d’entreprises) relayait son credo dans une première et puissante plaidoirie : « Toutes les prothèses au silicone sont dangereuses car toutes sont susceptibles d’être explantées, de rompre, de transsuder. Ce n’est pas une agence nationale qui le dit, c’est le corps qui crée une coque pour s’en protéger, et ce quelle que soit la marque des prothèses. » L’innocuité du gel est une « certitude » et « s’il demeurait des doutes, ils doivent profiter à Claude Couty. Le doute est un moteur pour les scientifiques. Dans le monde du droit, c’est une garantie pour celui qui est accusé.» De bouter les donneurs de leçons. « Ah comme je les envie ceux qui savaient ce qu’ils auraient fait à sa place, ces généraux par temps de paix, ces supporters de la victoire ! » D’expulser de la pensée des juges « l’opinion publique qui a déjà jugé » avec les mots de Me Moro-Giaferri en 1913 : « L’opinion publique, cette prostituée, qui tire le juge par la manche, vous la chasserez et vous ne retiendrez pas la circonstance aggravante ! »
David COQUILLE

mardi 14 mai 2013

« Les bénéfices pour la société, les risques pour le patient »

4 ans de prison ferme requis contre Jean-Claude Mas, « apprenti sorcier des prothèses » et « pierre angulaire d’une fraude massive »

A l’issue de quatre heures de réquisitoire à deux tons, des peines dosées de prison ferme ont été requises à l’encontre des cinq dirigeants de la société Poly Implant Prothèses. « Il faut que vous réfléchissiez dans une cellule à cette triste odyssée commerciale », a lancé le procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest en demandant 4 ans de prison ferme et 100.000 euros d’amende pour Jean-Claude Mas, 72 ans, « l’instigateur parfait » de cette vaste tromperie aggravée doublée d’escroquerie qui a prospéré entre 2001 et mars 2010 à travers 71 pays et pour laquelle 7.445 porteuses d’implants PIP se sont constituées parties civiles.
    De décrire le septuagénaire comme « le formulateur fou, le créateur d’un produit inacceptable, l’apprenti sorcier des prothèses, l’alchimiste sourd aux conséquences, cynique vis à vis des porteuses. » Celui qui « dosait à la louche » son gel empirique fait d’huile industrielle pour sortir 130.000 prothèses par an de son usine, n’était même pas un scientifique : « Comme ceux qui cherchent l’oeuvre parfaite, la pierre philosophale, lui il attend toute sa vie le gel parfait. »

« Un monstre silencieux qui a dévoré tant de femmes »

    4 ans dont 2 avec sursis et 50.000 euros d’amende sont requis à l’encontre du président du directoire, Claude Couty, « financier faible et complaisant, exécuteur des basses oeuvres sans lequel cette machinerie n’aurait pu se terminer dans le désastre. » Pour ce duo, la même interdiction définitive d’exercer dans le secteur sanitaire et médical et celle de gérer à tout jamais une entreprise.
    Ce « scandale planétaire » sur des implants au « potentiel de danger majeur », le vice-procureur Ludovic Leclerc le résumait avec brio : « On a là un système de fraude massif au préjudice de milliers de femmes, une tromperie comme on en a rarement vu, tout ça pour permettre à une société de vivre, à des salariés de toucher leur paye, à un retraité de toucher ses jetons de présence.» D’une formule, il résume l’équation frauduleuse : « Les bénéfices c’est pour la société, les risques, c’est pour les patients. Voilà comment fonctionnait PIP. » Au final, « l’histoire du gel de M. Mas, c’est celle d’un monstre silencieux qui a dévoré l’intérieur de tant de femmes dans le monde. C’est l’histoire d’un homme qui s’est tellement identifié à son gel que reconnaître que son gel est moins que rien serait une forme d’auto-destruction.»
    Ce scandale ne lasse pas d’interroger : « Comment une société aussi régulée a laissé grandir ce type de fraude ? Comment des prévenus qui ont un parcours de vie banal, qui n’avaient pas vocation à s’inscrire dans la délinquance, par des renoncements, des arrangements avec leur conscience ont accepté l’inacceptable ? » Au premier rang des complices, Hannelore Font : 3 ans dont 1 avec sursis visent la singulière directrice de la qualité qui « incarne à ce point la fraude », celle qui a « allumé la mèche lente qui allait exploser chez les porteuses. » 3 ans dont 18 mois avec sursis sont demandés contre Loïc Gossart, « le fabricant aux regrets tardifs. » « Mais enfin, il y a des femmes au bout de a chaîne de production ! » lui assène le procureur. 2 ans dont 18 mois avec sursis sont requis contre le directeur de la recherche de la société de la Seyne -sur-Mer, Thierry Brinon, un « technicien aveugle et muet » qui s’est « voilé la face en se tenant à distance de la salle blanche où l’on fabriquait ce mélange infernal ». Le trio se voit aussi réclamer l’interdiction définitive d’exercer dans ce secteur.
    Le parquet a demandé au tribunal de rejeter la constitution de partie civile de l’ex-Afssaps, victime à ses yeux d’un simple préjudice d’image. Le procès débuté le 17 avril se poursuit avec les plaidoiries de la défense jusqu’à vendredi. « Votre décision est attendue. Elle fera date » a souligné le parquet.
David COQUILLE

lundi 13 mai 2013

Un médecin régulateur du SAMU jugé pour homicide involontaire

Sabrina, 25 ans, est décédée d’un syndrome rare. La faute au Centre 15 d’avoir mésestimé l’urgence vitale ?  

Une régulatrice du centre de régulation du premier SAMU de France a comparu hier, 13 mai 2013, pour homicide involontaire, accusée d’avoir pris des décisions inadaptées face à une situation de détresse vitale. « Si je n’avais pas appelé le SAMU, ma fille serait vivante ! Elle a même pas voulu m’envoyer les pompiers ! Je m’en veux à cause d’elle ! », s’est écriée la maman en larmes.
    13 février 2009. Après des vomissements et des diarrhées, Sabrina, 25 ans, s’évanouit. Sa mère, infirmière, fait le «15» et décrit à 22h34 l’état de sa fille inconsciente, les yeux révulsés et qui respire à peine. L’appel enregistré est transféré par le permanencier au médecin régulateur avec la mention "malaise avec perte de connaissance". « Pour moi, c’était un cortège de symptômes qui accompagne une gastro-entérite. Il y a avait une épidémie », soutient Michaële A., 39 ans qui justifie n’avoir dépêché qu’un médecin de garde. L’autopsie révélera un syndrome cardiaque de Wolf Parkinson White nécessitant un «SMUR Flash», soit le démarrage immédiat d’une ambulance respiratoire. « J’avoue ne pas avoir entendu qu’elle était inconsciente. C’est pour ça que je ne l’ai pas classée en R1 », vacille la régulatrice qui se ressaisit : « Aujourd’hui, j’aurais quand même demandé à un médecin de la voir. »

« Vous prenez un Lexomil et vous vous calmez ! »
    A 22h56, toujours personne, la  mère rappelle : « Elle respire plus. On dirait qu’elle a des râles, vite, s’il vous plait. Vite, son état s’est aggravé, je ne sens pas son pouls. » Réponse sans gants de la régulatrice : « Si elle a plus de pouls et qu’elle respire plus, c’est qu’elle est morte. On se calme, on se calme, on se détend. Faites lui mal pour voir si elle réagit. » Et avant de raccrocher : « La télé-transportation, ça n’existe pas encore. On passe pas encore par le fil du téléphone ! Vous l’allongez et vous lui remontez les jambes. Vous prenez un Lexomil et vous vous calmez ! » La présidente, Julie Heisserer s’étonne : « On n’a pas une famille agressive. Au contraire ils sont très polis, s’excusent de déranger. Vous demandez qu’on pince la patiente et vous ne vous intéressez pas à la réponse. » Mais la toubib n’en démord pas : « On n’a que 6 ambulances respiratoires. Quand la situation est inévaluable, on n’envoie qu’un VSAB. Je reconnais avoir été un peu brusque mais cela n’aurait  malheureusement rien changé. » Plus tard elle fend un peu l’armure : « Je ne suis plus urgentiste. On se remet en question, ce n’est pas évident. J’ai eu un problème cérébral. C’est un désastre. On a tous souffert. »
    Les marins-pompiers mettront 6 minutes pour arriver à 23h15 dans le 13ème : « On tient un pouls. Y a 2 minutes on avait que dalle. Il faut une ambulance respiratoire », réclame le sauveteur par radio. Le  SAMU se perd et arrive à 23h33. Le parquet a réclamé de 4 à 6 mois avec sursis, s’appuyant sur l’avis d’experts pour qui « l’urgence vitale est déjà nettement caractérisée » et l’attitude devant une « situation de haute gravité » n’a pas été conforme au principe de précaution justifiant le démarrage d’une unité de réanimation. « 1800 appels par jour, c’est 2mn par personne ! Quelle responsabilité d’avoir en main et sur la conscience la vie des autres ! Le Samu, c’est pas une science exacte. Elle n’a jamais manqué à ses diligences ! », ont plaidé en relaxe Me Stéphanie Le Devendec et Me Fabrice Giletta.
Délibéré le 3 juillet.
David COQUILLE

Les juges sauvent les « Voix du Gaou »

La cour valide le seuil de survie de 100 décibels pour le festival de Six-Fours

11 mai 2013. La justice vient d’enjoindre la commune de Six-Fours-Les-Plages de se mettre en conformité avec les normes acoustiques pour le prochain festival « Les Voix du Gaou » du 16 au 26 juillet qui se tient sur l'île. La cour administrative d’appel de Marseille ordonne par ailleurs au maire de « prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les nuisances sonores (…) dans les délais les plus brefs, et au plus tard avant l'édition de l'année 2014. » Cette décision rendue le 2 mai n’engage pas la survie de ce grand festival qui attire plus de 40.000 personnes chaque année.
Les juges d’appel reconnaissent en effet au maire un « pouvoir de réglementation autonome » en fixant la valeur maximum de diffusion sonore à 100 dBA dans la zone destinée au public du festival. » La demande d’abaisser à 90 dBA aurait été une condamnation à mort du festival en raison de l’impossibilité technique de parvenir à ce seuil.
La cour a donc suivi l’avis du rapporteur public exprimé lors des débats publics le 11 avril 2013. Le rapporteur, M. Salvage, avait considéré qu’une mesure d’interdiction totale serait « disproportionnée » eu égard à une manifestation culturelle qui « répond à l’intérêt général ». La cour prend d’ailleurs soin de préciser que « l'exécution du présent arrêt ne saurait impliquer nécessairement la suppression du festival "Les voix du Gaou", ni son déplacement sur un autre site, ni de mesures particulières en matière de circulation sur la corniche. » 
Le festival est aujourd’hui exploité en délégation de service public et ses organisateurs ont pris des mesures propres à diminuer les nuisances sonores : adoption d’un nouveau système de diffusion des fréquences graves, nombre d’enceintes porté de 18 à 9, axe de diffusion acoustique réorienté de 90 degrés vers la mer, annulation des concerts en cas de vents trop forts, etc.
La commune devra dédommager le riverain pour le préjudice subi entre 2006 et 2012 à hauteur de 15.000 euros. Il prétendait à 25.000 euros. Les juges ont considéré qu’« en ne prenant pas les mesures nécessaires pour faire cesser les nuisances sonores » alors que le préfet l’avait informé d’une pétition de riverains en août 2005, la commune a commis une « faute de nature à engager sa responsabilité » d’autant que le préfet l’avait averti « qu'en cas de carence de l'autorité municipale dans l'exercice de ses pouvoirs de police, la responsabilité de la commune pouvait être engagée. »
David COQUILLE

Tüv : « Nous n’avions aucune chance de découvrir la fraude »

Le certificateur allemand des prothèses mammaires PIP viciées se défausse avec l’ex-AFSSAPS sur les lacunes de la directive européenne.


8 mai 2013. Vraies victimes de la fraude aux implants mammaires PIP ou posture stratégique pour échapper aux conséquences financières de négligences réelles ou supposées ? Leurs constitutions de partie civile ont paru si contestées par les milliers de femmes porteuses d’implants viciés que l’Agence nationale pour la sécurité du médicament (ANSM) et Tüv Rheinland, le certificateur allemand des prothèses PIP, ont du longuement justifier hier leur présence sur le banc des victimes.
    Dans une plaidoirie habile et bien servie, Me Olivier Gutkès a défendu bec et ongles l’organisme allemand synonyme outre-Rhin de confiance absolue. « Tüv n’a jamais été négligent car il a suivi la réglementation européenne » dont la Commission européenne - souligine-t-il - a reconnu les « lacunes et carences ». A ses yeux, « les audits peuvent être impuissants face à une fraude organisée » car « on n’est pas dans une logique de répression des fraudes. On n’a pas de pouvoir de police. On n’est pas des gendarmes ! » Et si la directive européenne ne prévoit toujours pas de contrôles inopinés mais des audits claironnés à l’avance, « c’est pour faire en sorte que le jour de l’audit les chefs de service soient présents, la documentation technique disponible et la chaîne de production active. »
    Bref, si la fraude au gel non conforme a pu perdurer de 2001 à mars 2010, c’est uniquement selon lui en raison du « degré stupéfiant d’organisation de cette fraude » :  « Nos auditeurs étaient parfaitement spécialisés. Ce n’était pas des auditeurs en grille pain ! Mais ils n’avaient aucune chance de découvrir la fraude. » Les prévenus ne faisaient-ils pas « disparaître toutes les traces matérielles, écrites, informatiques sur toute l’année et pas la veille de l’audit et fait respecter une omerta » ? De pointer Hannelore Font, la directrice qualité qui « incarne le visage de cette escroquerie », Loïc Gossard, le directeur de fabrication qui faisait disparaître le gel non homologué avant chaque audit, Thierry Brinon, le directeur de la RD qui « a remis un dossier de conception qu’il savait être fictif », Claude Couty le DG qui « a une calculette en guise de conscience morale pour équilibrer ses bilans », et bien sûr  Jean-Claude Mas, « parrain dans un système mafieux. » De conclure : « Tüv n’est pas responsable. Tüv est solvable mais n’entend pas être le fonds d’indemnisation des victimes dans ce dossier. »

« Nous intervenons en deuxième rang »

    Stratégie identique de l’ANSM, l’agence française qui dit « comprendre et compatir avec toutes ces femmes » mais borne son rôle : « Nous intervenons en deuxième rang, en surveillant par le biais de la matériau-vigilance », glisse  vite fait Me Nathalie Schmelck qui préfère dénoncer « certains avocats qui ne cherchent ni un responsable ni un coupable mais un solvable. » Si des signalements sont parvenus à l’agence, « pas une seule fois, les lettres PIP n’apparaissent dans les courriels du Dr Marinetti.» Et aucune des photos dans la lettre de dénonciation « ne permettait de dire que les prothèses étaient constituées d’autre chose que du gel Nusil. » L’absence de contrôles inopinés ? « Il est d’usage quand on ne présume pas qu’il y a une fraude de prévenir pour être sûr de rencontrer ses interlocuteurs. » Reste alors « M. Mas, c’est l’instigateur, le dictateur et il l’est tellement qu’il n’a même plus besoin de réitérer ses ordres car depuis dix ans tout le monde sait ce qu’il a à faire. » Réquisitoire le 14 mai.
David COQUILLE

Procès PIP « N’ayez pas peur d’indemniser, le monde entier vous regarde ! »

6.015 femmes demandent réparation et dénient le statut de victime à l’agence nationale de sécurité du médicament et au certificateur allemand.

7 mai 2013. Dans le flot des plaidoiries des 6.015 parties civiles que le tribunal correctionnel de Marseille entend depuis plusieurs jours, il y avait eu, vendredi, la parole délicate et poignante de Me Stéphanie Spiteri qui avait rapporté en termes pudiques et délicats le drame silencieux de sa cliente, une femme seule, apeurée, retranchée dans sa féminité blessée.
    Mais hier, pour frapper les esprits l’avocat mandaté par le cabinet Claude & Sarkozy a donné dans un tout autre genre, choisissant un procédé qu’aucun n’avait osé jusque-là. « Quand on saisit la prothèse, la membrane se déchire spontanément. » D’exhiber aux juges des photos insoutenable d’une explantation chirurgicale de prothèses rompues, le tout projeté suivant sa volonté en simultané sur les écrans géants de la salle d’audience du parc Chanot. « C’est insupportable ! », réagit une victime à la vue d’un bocal transparent. Il contient les restes d’une prothèse rompue que Me Roman Leibovici dépose sur la table des juges avant de diffuser la photo d’une poitrine déformée par une lymphorée... Au douzième jour du procès des implants mammaires PIP, tout paraît bon à certains pour édifier les juges...
    Pour sa cohorte de victimes, Me Claude Lienhard a préféré, lui, le raisonnement juridique afin d’exhorter les juges à accorder « une juste et intégrale indemnisation ». « Vous êtes le droit en action, le seul pouvoir indemnitaire souverain » quand tous les prévenus, organismes et assurances « se défilent de leur responsabilité ». « N’ayez pas peur d’indemniser toutes les victimes de leurs angoisses, de leurs humiliations. Le monde entier vous regarde ! », venait de lancer Me Laurent Gaudon porteur de 2.400 victimes massivement étrangères. S’il stigmatisait très logiquement la position de Jean-Claude Mas, le fondateur de la société PIP  - « Il y a quelque chose d’indécent à dire que son gel n’est pas dangereux » - il concentrait ses attaques sur le certificateur allemand des implants : « Comment les victimes peuvent comprendre que Tüv Rheinland se retrouve sur le même banc qu’elles ? Tüv est resté passif à accorder ses certifications. Tüv n’a pas sa place ici ! »

Six distributeurs mondiaux réclament 26 M d'euros pour atteinte à la réputation

    Les six distributeurs mondiaux (Italie, Roumanie, Bulgarie, Syrie, Brésil et Mexique) qui ont diffusé les prothèses PIP dans 65 pays, n’étaient pas en reste : « Cette affaire leur colle à la peau. Les prévenus les ont trompés sur toute la ligne. C’est un mensonge collectif dans une entreprise du mensonge qui a permis à PIP de remplir ses carnets de commandes à l’export », soulignait Me Olivier Aumaitre pour réclamer 26 millions d’euros de préjudice économique dont l’« atteinte à la réputation ».
    « Je dis que l’Etat ne fait rien ! », pestait Me Mohan Mouhou contre l’ex-Afssaps « venue en sous-marin dans la procédure » alors que « son manquement à l’obligation de veille sanitaire a contribué au dommage. » Il était rejoint par Me Arié Alimi (conseil de 91 victimes) pour qui « le Tüv et l’Afssaps avaient l’obligation de vérifier qu’il n’y avait pas tromperie » or « pendant plus de vingt ans, ils n’ont réalisé aucun contrôle inopiné. » De rappeler qu’en 2000, l’agence américaine FDA était venue sur place à la Seyne-sur-Mer constater la non conformité des prothèses alors remplies au gel physiologique. « Depuis 2006, les incidents ont doublé. Le Dr Marinetti en 2008 signale le caractère totalement exubérant de ces prothèses. Que fera l’Afssaps ? Rien ! »
    « Les prévenus baissent la tête et attendent que l’orage passe. Edwige, elle, a été foudroyée », venait dire Me Isabelle Colombani pour la famille Ligoneche. Cette dame décédée à 53 ans en novembre 2011 d’un lymphome dont l’avocate voudrait qu’il soit établi que le gel PIP en fut la cause. « Je ne connaîtrai pas l’issue de cette procédure. Mes mortelles salutations», avait écrit la victime dans une lettre adressée au procureur de la République et lue à l’audience. 
David COQUILLE

Luc Jorda relaxé pour harcèlement moral

Une capitaine l’accusait depuis onze ans de lui avoir bloqué sa carrière.

7 mai 2013. Le colonel Luc Jorda, patron du SDIS 13 a été relaxé hier matin par la 6eme chambre correctionnelle des poursuites de harcèlement moral. La capitaine Isabelle Bérard, 48 ans, qui l’accusait d’avoir bloqué sa carrière depuis 1999 est déboutée de ses demandes. Le procès s’était tenu le 10 avril à l’issue de 11 années de procédure.
    La plaignante, entrée en  1989 au service des ressources humaines du SDIS 13, dénonçait des brimades, des insultes, des obstacles mis à son avancement professionnel. Elle accusait le patron des 1.100 sapeurs de département de l’avoir isolée dans un Algeco. « Il m’a oubliée pendant 7 ans », avait-elle dit à la barre. Luc Jordan ne communiquait plus avec elle que par post-it. « Elle n’avait pas le niveau », avait répondu Luc Jorda, défendu Me Sartre et Me Tixier. Selon lui, les relations avec son officier s’étaient dégradée dès lors qu’il avait refusait de la nommer commandant. « Vous avez un boulevard pour la relaxe ! », avait prophétisé le procureur pour qui le délit n’était absolument pas caractérisé, faute selon lui d’agissements répétés.
    Le délit de harcèlement moral a été institué par la loi du 17 janvier 2002. L’auteur est passible de 1 an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende. Le code du travail le définit ainsi : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
David COQUILLE

Indemnisé 37 ans après une transfusion

Les transfusions dans un tiers des contaminations avant 1990.

3 mai 2013. 37 années après une transfusion sanguine qui l’a contaminé au virus de l’hépatite C, la cour administrative d’appel de Marseille vient de condamner l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à indemniser un Arlésien.
    L’homme avait été victime le 14 avril 1976 d’un grave accident de la circulation avec une rupture de la rate qui avait nécessité d’importantes transfusions sanguines en 1976 puis en 1981. Le patient avait reçu en tout « 13 produits sanguins dont du plasma sec hautement contaminant, ce qui accroît le risque potentiel de contamination par transfusion », précise l’expert. Ce n’est qu’en septembre 1992 que le patient avait découvert sa contamination au virus de l’hépatite C lors d’un bilan sanguin  après un malaise.

« Le doute profite au demandeur »
    L’indemnisation des contaminations transfusionnelles antérieures à 2002 est régie par une loi de 2002. Elle est possible dès lors que le patient apporte « des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang ». Dans l’examen de ces éléments, les juges ont rappelé dans le présent arrêt du 29 avril 2013 que « le doute profite au demandeur ».
    C’est ainsi qu’ils ont considéré que « la matérialité des transfusions subies » par le malade n’était « pas contestée ». Et contrairement au tribunal administratif de Marseille qui avait rejeté sa demande le 22 décembre 2010, la juridiction d’appel a estimé de « vraisemblance suffisante » l’hypothèse que l’opération de transfusion de 1981 soit à l’origine de la contamination de ce patient dont il est précisé par l’expert que « le mode de vie ne présentait pas de facteurs de risque ».
    Les juges ont surtout arrêté leur conviction sur les conclusions écrites en août 1995 par le professeur Pascal du service d’hépato-gastro-entérologie du CHU de Lyon qui affirme que « les transfusions sanguines réalisées avant 1990 étaient responsables d’au moins un tiers des contaminations en France ».

Aujourd’hui, l’EFS garantit la traçabilité

    La cour rappelle que la contamination avait eu lieu « à une date où il n’était pas procédé à une détection systématique du virus de l’hépatite C à l’occasion des dons du sang ». Chose impossible de nos jours : les virus de l’hépatite C, du VIH, de la Syphilis, etc. , sont détectés avant toute transfusion lors d’une batterie de 15 tests effectués dans les 48 heures après le don de sang dans les laboratoires de l’Etablissement français du Sang (ESF). La traçabilité est totale aujourd’hui et l’ESF garantie de pouvoir retrouver les donneurs tout en préservant l’anonymat du don du sang.
    L’EFS n’était en quelque sorte pas partie au procès en appel. Depuis le 1er juin 2010, c’est l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui se substitue à lui pour charger « de l’indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l’hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ».
    C’est précisément l’ONIAM que la cour a condamné à verser 15.000 euros pour l’ensemble des préjudices personnels. Le requérant demandait près de 135.000 euros d’indemnisation. Opérateur de chaudière, il est à la retraite depuis 2005 après dix années d’invalidité. Il n’avait plus pu travailler depuis 1992 en raison de l’extrême fatigue provoquée son traitement. Les juges ont constaté que son état ne nécessitait « pas de traitement particulier » et correspondait à une « hépatite chronique sans signe d’activité » stabilisé depuis 2004 ».
David COQUILLE

jeudi 2 mai 2013

« PIP, une petite PME française qui magouille et trifouille »

Pour le syndicat des chirurgiens esthétiques, « ce n’est pas le procès d’une filière » mais la « trahison » d’un fabricant de prothèses mammaires.

3 mai 2013. Les plaidoiries se suivent et se ressemblent au procès PIP entré dans sa 11ème journée d’audience au palais de justice délocalisé au parc Chanot à Marseille. Les implants ne semblent plus faire recette et l’enceinte judiciaire hors normes est quasiment vide depuis l’entrée en scène des avocats des 6.015 victimes constituées partie civile.
    « Vous avez condamné ces femmes à vivre avec de l’huile de moteur dans leur poitrine ! », s’exclame un avocat qui se croit aux assises. « Les prévenus, je les méprise et je les oublie tout de suite pour me consacrer à mes victimes ! », claque sa consoeur venue de Grasse décrire et chiffrer la souffrance de plusieurs clientes. « Vous avez tous fait le choix de tromper ces milliers de femmes. PIP a été une usine à empoisonner ! », s’étrangle d’émotion une jeune avocate qui ne veut rien entendre aux rapports d’expertises anglais et français qui n’ont pas démontré la nocivité des prothèses pré-remplies par la firme varoise d’un gel maison non homologué. « Jean-Claude Mas, c’est le Docteur Maure des prothèses mammaires ! Il savait très bien que son gel contenait des produits dangereux. Il a pesé le risque et sacrifié ses victimes sur l’autel du fric », s’exclame sur grand écran Me Florence Sultan du barreau de Toulon. Elle réclame 15.000 euros de préjudice moral et 6.000 euros pour le préjudice corporel dont on sait déjà qu’il ne pourra être indemnisé à l’issue de ce procès pour « tromperie aggravée et escroquerie » mais plus tard dans le volet « blessures et homicide involontaires ».

« C’est la banalité de l’asservissement à la loi du profit »

    L’imprécation et l’opprobre sont le combustible commun à nombre d’avocats - et ils sont 300 dans ce grand exutoire - qui passent et repassent les prévenus aux lance-flammes. « Toute cette toile de tromperie et de lâcheté qui s’est tissée sur l’appât du gain et sur la crédulité de femmes qui venaient les voir pour se reconstruire ! On ne retrouve ici que quelques trublions rigolards et pathétiques ! Que sont devenus tous les bénéfices ?! On s’en est mis plein les poches ! C’est la banalité du mal, de l’asservissement à la loi du profit et à sa hiérarchie. Et à tous ces beaufs et blogueurs bien pensants qui disent qu’elles l’ont bien cherché, je veux dire que ce sont des femmes qui cherchent une autre dignité dans cette société du regard », s’énerve mais vraiment Me Sabine Vialle pour sa cliente explantée d’une prothèse rompue en 2011 et qui demande 100.000 euros de préjudice d’anxiété.
    Chaque victime a sa propre histoire. Celle de Sylvia, niçoise de 42 ans, rapportée par Me Nathalie Ruiz capte l’attention. Implantée après une grossesse, son chirurgien tarde à diagnostiquer une rupture de la prothèse gauche. Plusieurs interventions plus tard, son buste est difforme et elle a des siliconomes dans le dos. La dépression s’installe devant ce corps qu’elle ne supporte plus. Puis une phobie sociale avec séjours psychiatriques. « Quand une femme a un haut du corps comme cela, elle ne plait à personne », souligne l’avocate, la toute première à demander réparation du préjudice sexuel à hauteur de 12.000 euros, en sus du préjudice moral estimé à 30.000 euros. « Elle s’était adressée en confiance à un professionnel qui lui a vanté les mérites des prothèses PIP. Ce n’était quand même pas à elle de vérifier leur qualité alors qu’on nous parle de normes européennes ! », concluait-elle à raison.
    L’intervention du Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique venu réclamer l’euro symbolique à chacun des prévenus, n’en était que plus attendue. « 77,9% des personnes interrogées ne font pas confiance en la chirurgie esthétique alors que nous sommes la spécialité la plus sécurisée. Nous sommes pas dans le procès d’une filière mais dans celui d’une entreprise qui a violé les règles », souligne Me Luc Castagnet qui justifie la sous-déclaration par les praticiens des ruptures de prothèses  par le fait qu’il s’agit d’« accident » et non de « dysfonctionnement ». « Les chirurgiens ne touchent rien sur les ventes. La trahison est venue d’une petite PME française qui magouille et trifouille pour des économies de bouts de chandelle ! PIP, tout le monde y a cru ! »
David COQUILLE

« Ce charlatan cupide a lacéré leur féminité »

Procès PIP. Les parties civiles se succèdent pour pointer les absents et dénoncer les carences institutionnelles.

30 avril 2013. « Mais de qui se moque-t’on ! » est l’exclamation la plus servie - et à raison - au procès de la vaste fraude aux implants mammaires PIP, entré depuis hier et pour deux semaines dans la phase des plaidoiries indignées des parties civiles. « Ces actes de tromperie ont été posés avec une indécence rare. Ma cliente a été choquée d’apprendre que les contrôles de l’Afssaps étaient annoncés trois semaines à l’avance. De qui se moque t’on ?! Nous irons chercher la responsabilité de l’Etat pour sa carence ! », prévient Me Valérie Pirello, la première à ouvrir le ballet des plaidoiries avant le réquisitoire du 14 mai.
    Sur les 500.000 porteuses d’implants PIP dans le monde, 6.015 ont déposé une constitution de partie civile auprès du greffe détaché du Parc Chanot où se déroule le procès. Quelques dizaines de victimes ont tenu à être là. Et c’est donc « à corps présent » que des avocats prennent la barre pour raconter leur trauma. La plupart des victimes ont formulé leur demande par courrier.
    « Ma cliente a eu le sentiment d’avoir eu une bombe à retardement dans le corps », explique l’avocate de cette mère de deux enfants, sauvée à 36 ans d’un cancer du sein et qui croyait avoir reçu « la Rolls des prothèses ». Colère, ex-plantation, souffrances, questions sans réponses sont le lot de toutes ces femmes que Jean-Claude Mas a abusé. « Son angoisse profonde pénètre chaque minute de son quotidien. Le préjudice moral est là. Il est réel », analyse Me Valérie Pirello. Une autre avocate - et ils sont plus de 300 dans ce procès - se borne à chiffrer les postes d’indemnisation : « Préjudice d’anxiété : 3.000 euros. Préjudice corporel : 3.000 euros. Préjudice esthétique pour l’oedème des seins : 1.000 euros ».

« Le  million d’euros symbolique pour chaque victime»

    D’autres comme Me Serge Billet venu pour Sandrine C., ruinée à 46 ans, sont pris d’un élan digne de procès d’assises : « Le sentiment unanime qui se dégage est celui d’une dramatique comédie jouée par des acteurs-prévenus qui avec des prothèses procédurales ont cherché à masquer la laideur de leurs actes. C’est le procès d’un charlatan cupide, Jean-Claude Mas qui a lacéré leur féminité, c’est aussi le procès de la lâcheté certaine des salariés. »
    « Tüv et l’Afssaps demandent un euro symbolique. Moi, je demande pour chaque victime 1 million d’euros symbolique de dommages intérêts. S’agissant d’une telle organisation criminelle, ce n’est pas beaucoup ! », s’élance Me Christine Ravaz, confuse mais drôle et qui fait déjà le procès du procès : « Qui va payer ? C’est pas Jean-Claude Mas, c’est tout juste s’il ne fait pas la manche devant votre palais ! » « On a crucifié les femmes dans cette affaire au nom de la chirurgie esthétique et de Tüv qu’il faut protéger à tout prix.»  A ses yeux, le certificateur des implants est une fausse victime qui devrait  plutôt « comparaître comme prévenu et son directeur France devrait venir expliquer comment il effectuait les contrôles en allant au restaurant avec Jean-Claude Mas. » De dénoncer aussi l’absence des praticiens : « On n’a pas vu un seul chirurgien esthétique dans ce procès. Leur carence a pourtant coûté 100 millions d’euros à la Sécu ! »
    Prenant la parole pour « toutes ses soeurs de coeur dans le monde  qui n’ont pas pu venir », Me Nicole Pollack dénonçait les excuses opportunistes du patron de PIP : « Du premier jour au dernier, et même si vous le condamnez, il restera convaincu que son gel c’est le meilleur du monde. » Et pour résumer l’affaire, elle convoque Voltaire : « Ce qui fait et fera toujours de ce monde une vallée de larmes, c’est l’insatiable cupidité et l’indomptable orgueil des hommes. »
David COQUILLE

Le « phare bleu » scintille de ses feux poétiques

Lumineux. Toutes les nuits, un « OPNI » émet sur toute la rade de Marseille une parole lumineuse, silencieuse. Une « oeuvre-paysage» remarquable. 365 nuits pour rêver debout.
Trois éclats bleus longs et cours... Un éclat cours, un point, un temps. Un éclat long, un trait, trois temps. Depuis quelques jours, un phare posé en janvier au Fort de Niolon sur une crête du massif de la Nerthe, émet des messages lumineux en code morse sur toute la rade de Marseille. « Ecoute / la parole du monde / dépose / dépose-toi / fardeau / fardeau / du moi »
    Ce télégramme lumineux, ce premier « poème photonique morsien » d’ouverture rend hommage à Henry Bauchau, un poète, écrivain et psychanalyste (édité chez Actes Sud) est décédé à presque 99 ans le 21 septembre dernier.  Le poème s’intitule «Mandala» et crépite sur toute la rade de Marseille, visible chaque soir, de tous les points hauts de la ville mais aussi le long de la Corniche, sur l’esplanade du Mucem, du jardin du palais du Pharo, de Notre Dame de la Garde, des rives de Malmousque, etc.
    Baptisé « Phare bleu n°1 », ce projet aussi insolite que remarquable est né avec Marseille Provence 2013. Il a été « taillé in situ pour Marseille par des marseillais ». Et de l’aveu de ses inventeurs, c’est « un OPNI, objet poétique noctambule interpellant ». « Toutes les nuits, il émet une parole lumineuse et silencieuse dont la substance est un poème. Son objet est d’interpeller l’imaginaire des noctambules, délicatement, silencieusement. Ses éclats bleus s’adressent à la ville et à la rade toute entière », expliquent Catherine Rouan et Stéphane Raguenet, le duo d’architectes du cabinet AARR.
    L’idée leur est venue  lors d’une virée en voilier. « Ce projet très fort dans son concept est né de la beauté d’un paysage, celui de la Côte bleue. L’idée première était de révéler le paysage non pas en éclairant mais au contraire en faisant émettre quelque chose du paysage », raconte Catherine Rouan. Le fait de clignoter en morse et en bleu s’est imposé comme une évidence. Le bleu car c’est la seule couleur qui n’interfère pas avec la signalétique maritime. « Le morse parce que la lumière devient parole. Le rythme uniformément varié interpelle. L’observateur comprend tout de suite que ce phare est différent. » Le morse, écriture universelle, renvoie fortement aussi à l’idée d’un message de détresse, d’urgence, de secours à délivrer. « Il répond à une inquiétude fondamentale de l’ordre de la survie. »
    Des partenaires se sont emballés avec eux (Groupe Snef, deux écoles d’ingénieurs, Cetmef, Be Solair, Nheolis, etc...) et ont conçu un phare bleu qui se nourrit d’énergies... vertes : une petite éolienne et des capteurs photovoltaïques alimentent le projecteur à leds monochromes bleus de  64 Watts.
    « Rester à trouver ce qui allait être le fond de notre proposition. Des messages en morse mais que dire ? J’ai contacté Henry Bauchau car dans ses romans Oedipe sur la route et Antigone il y a plusieurs fois l’idée d’oeuvre-paysage. Mais qu’est ce que la parole silencieuse d’un paysage la nuit ? Il m’a fait cette réponse : « Comme vous le savez la parole silencieuse d’un paysage est la voix du poème. »

Un « acteur géo-poétique »

    C’est en cheminant que  le concept s’est affiné et que sa cohérence artistique s’est affirmée. « Comme la musique qui ne se décrypte pas note à note mais s’écoute et se perçoit, les éclats rythmés seront regardés et perçus pour leur musicalité. Le morse est une composition rythmique. La Parole Silencieuse d’un paysage, mystérieuse, est l’inconscient du projet. La lumière en est la substance poétique. »
    Quel message poétique délivrer ? « Une oeuvre-paysage parle de poésie. Mais quelle poésie ? de la poésie contemporaine Pourquoi ? c’est celle qui a le plus besoin d’audience. Une thématique ? Marseille est une ville avec des limites très franches. D’un arrêt de bus à l’autre on passe de la ville oppressante à la nature lunaire et caillouteuse. L’idée d’un face à face ville - nature. Le phare est orienté vers la ville et non vers la mer. L’idée d’un face à face à travers le paysage sous toutes ses formes, géographique, naturel, urbain, culturel, mental.»
    Si l‘objet éblouit autant par son originalité, c’est aussi parce qu’il réussit à mettre en résonance un faisceau large de questionnements qui n’épargnent rien («Ville et rade - Ville en rade ?» ) et qu’il  balaie un  spectre large de paysages géographiques (massif aride, mer, rade, port), culturels et sociologiques de cette ville-phare de la Méditerranée « où depuis toujours s’arrêtent les voyageurs, où s’ancrent les exilés. »
    « La programmation poétique sera aussi le reflet de cette diversité de paysages culturels masqués par la culture dominante. » C’est ainsi que le « Phare bleu n°1 » se présente aussi comme un « acteur géo-poétique » et qu’ « il s’agit bien de la création d’une œuvre d’art contemporain à multiples ramifications », souligne Catherine Rouan.
    « Phare bleu » est programmé pour déclamer de tous ses feux de multiples poèmes : ceux d’une poétesse performeuse qui a travaillé sur les notions de paysage, de code et de langage, Michèle Metail avec « Marseille en 13 portraits robots », Louis Noël Bobey avec Olymp’Hic, Dorothée Volut puis le 6 mai, «Not A Number » avec Ville en Rade ou encore, Julien Blaine avec Marseille entre  deux chagrins, etc. D’autres artistes seront invités à proposer ou  écrire des textes.
David COQUILLE

Des «faros» aux vers phototoniques

Avec ce premier «poème photonique morsien» né à Marseille en 2013, le « Phare bleu » fait ressurgir la mémoire du littoral méditerranéen et de sa contribution à l’histoire des communications depuis les premiers «faros» des marins grecs sur l’île du Planier. L’alphabet morse préfigure bien les modes modernes de transmission de l’information. On doit effectivement cette invention en 1793 à l’américain Samuel Morse. Mais en France, les dépêches se transmettaient surtout via une chaîne sémaphorique, celle du télégraphe optique de Chappe (des panneaux pendulaires), dont il reste encore les vestiges d’une tour sur le plateau de Vitrolles mais aussi sur les crêtes de la Fare-les-Oliviers. Une ligne Chappe reliait Lyon, Valence, Marseille et Toulon entre 1821 et 1852.
Quant à l’inventeur de la boussole aimantée, André-Marie Ampère, il avait aussi proposé des solutions avec un télégraphe électrique en 1820 muni « d’autant de fils conducteurs et d’aiguilles aimantées qu’il y a de lettres ». Devenu inspecteur général de l’Université, Ampère meurt d’ailleurs au cours d’une de ces tournées des lycées de province, le 10 juin 1836, dans les locaux de l’infirmerie du lycée Thiers de Marseille !
Plus tard, l’italien Giovanni Caselli  invente en 1861 le pantélégraphe. Une première ligne est exploitée dès 1863 entre Paris et Marseille. A cette occasion, une démonstration est même réalisé devant de hauts fonctionnaires de l’Empire chinois.
D.C.

Mairie de Peypin : Le téléphone pleure

Trois ans d’inéligibilité pour l’ancien maire, Christian Bourrelly

Le tribunal correctionnel de Marseille a suivi les réquisitions du parquet en condamnant hier l’ancien maire socialiste de Peypin, Christian Bourrelly, à 10.000 euros d’amende et 3 ans d’inéligibilité pour complicité de prise illégale d’intérêts et atteinte à la liberté et à l’égalité d’accès aux marchés publics.
Même réquisition, même peine prononcée pour le bénéficiaire, son ancien conseiller municipal, Gérard Gabriel, membre de la commission d’appel d’offre, condamné lui pour prise illégale d’intérêt et recel au bénéfice de sa société Abyss Communications. « Plus jamais il ne participera à une élection », avait plaidé son avocat, Me Daniel Vaillant au procès, le 8 avril. L’entreprise en question, gérée depuis par sa fille, se voit infliger 25.000 euros d’amende.
Tous les trois devront verser l’euro symbolique à la commune de Peypin, constituée partie civile après l’élection de son nouveau maire Albert Sale, élu sur une liste socialiste dissidente qui  avait dénoncé les faits.
L’affaire portait sur l’achat d’un  standard téléphonique de 9.059,70 euros par la commune de Peypin (5300 hbts) avec entretien annuel de 5.000 euros dans le cadre d’un marché à procédure adaptée lancé le 4 juillet 2007 et taillé sur mesure pour la société Abyss.
D.C.