jeudi 4 avril 2013

Sourd-muet dans le box

L’index droit frappe l’index gauche pour traduire à l’agresseur d’une octogénaire qu’il est condamné.

Un prévenu sourd muet a été condamné la semaine dernière en comparution immédiate à deux ans de prison ferme assorti d’un mandat de dépôt pour l’agression d’une octogénaire aux Cinq-Avenues.
Pour se faire entendre, il faut en venir aux mains. Une prescription à prendre au sens littérale pour Christophe, 36 ans, agité comme un boxeur dans le box. Les policiers lui ont retiré ses menottes et il se débat à présent comme un beau diable avec ses mains pour s’expliquer. Le garçon est connu de la justice pour avoir été condamné à plusieurs reprises pour conduite sans permis mais surtout pour un vol aggravé suivi d’une tentative d’évasion qui lui ont valu deux ans d’emprisonnement. Il était d’ailleurs sorti de la maison d’arrêt de Luynes il y a tout juste un mois.
Le 25 mars, vers 15 heures, il a suivi une vieille dame près du cinéma des Cinq-Avenues et lui a arraché son sac à main. La victime est tombée par terre, a crié à l’aide puis une fois relevée, indemne, s’en est allée à son club pour personnes âgées. Dans la foulée un témoin a rattrapé son agresseur qui tenait encore deux billets en main et lui a mis un direct du droit dans la tête. « On m’a frappé, j’ai craché du sang ! », proteste le prévenu si volubile que l’interprète peinent à le suivre. D’où la précision que les interprètes en langue des signes font noter sur les actes officiels : « Sous réserve de la bonne compréhension du message donné et reçu ». « Elle était de dos. J’ai pas vu que c’était une personne âgée. Je me suis dit que ce serait facile. Ce qui m’intéressait c’était le sac. » Le président Castoldi fait observer qu’une dame de 86 ans ça s’identifie sans hésitation, même de dos. « Je n’ai pas été aidé à ma sortie de prison pour me réinsérer. Je veux n’importe quel travail ! Imaginez-vous sourd ! J’ai six enfants, je voulais acheter du lait pour mes fils. Le pot de lait vaut 20 euros ! », lance le prévenu à l’interprète qui lui prête sa voix.
L’enquête sociale décrit un adulte aussi vulnérable que sa victime. Il est sourd muet de naissance, a été rejeté par ses parents. Il a des problème d’équilibre, porte une prothèse. Il est père de six enfants de 6 mois à 9 ans et deux sont sourds-muets comme lui. Il vit avec 700 euros de pension AH mais passe son temps à la rue ou en foyer. « Je suis un peu comme tout le monde, je me dispute avec ma compagne. »
« J’ai bien écouté ses explications. Le Robin des Bois de sa famille est une victime ! », peste une jeune substitute du procureur, une jusqu’au-boutiste venue requérir 3 ans de peine plancher alors même que le dispositif vit ses derniers jours. « Il est enfermée dans son handicap. Ce jour-là, il était obnubilé par le sac de la dame », observe en défense son avocate. Le tribunal a écarté la peine plancher. Pour traduire qu’il était condamné, l’interprète a frappé son index droit contre son index gauche. Deux ans de prison ferme. Christophe a supplié qu’on ne l’envoie pas aux Baumettes mais à Luynes, demande notée sur le mandat de dépôt.
David COQUILLE

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