mardi 9 avril 2013

Le service d’aide aux victimes à l’agonie

L’Etat ne veut plus financer le SAVU, cette force d’action rapide au soutien des victimes de délinquance.

« Le service d’aide aux victimes d’urgence de Marseille est à l’agonie », s’émeut le Syndicat de la Magistrature (SM) dans une lettre au Garde des Sceaux, rendue public devant la gravité des enjeux et dans laquelle il presse Christiane Taubira de « mettre tout en œuvre » pour sauver ce dispositif pionnier.
Le service d’aide aux victimes d’urgence (SAVU) est en quelque sorte la force d’action rapide de l’association d’aide aux victimes d’actes de délinquance (AVAD), une structure si indispensable à la Justice qu’elle est conventionnée avec la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Le SAVU mis en place en 2003 subit depuis quelques années un étouffement financier progressif dans une ville qui « fait pourtant l’objet de toutes les attentions politiques et médiatiques », rappelle le syndicat.
« Aujourd’hui, écrit le vice-procureur Benoît Vandermaesen, délégué régional du SM, cette mission est menacée par l’annonce d’un désengagement financier total de l’Etat pour 2014, après une réduction de sa contribution, passée de 353.000 euros en 2009 à 170.000 euros en 2013.” Les collectivités locales - Ville, Conseil général - déjà mises à contribution pour suppléer à cette dérobade étatique, ne peuvent plus suivre.

« Une véritable mission de service public »

Le SAVU a déjà dû licencier près de la moitié de son personnel mettant à mal sa mission de réponse immédiate à des populations frappées de plein fouet par un acte dont le retentissement psychologique doit être pris en charge dans les plus brefs délais. « Cette aide matérielle, juridique et psychologique est d’autant plus indispensable à Marseille que les victimes se trouvent souvent en grande difficulté du fait de la grande précarité sociale et économique frappant la majorité d’entre elles. Pour ces personnes, le SAVU assure une véritable mission de service public », insiste le syndicat.
Le SAVU de Marseille, ce sont aujourd’hui 7 professionnels (des accueillants, un psychologue clinicien, une directrice, une secrétaire) qui interviennent de jour comme de nuit, six jours sur sept, jours fériés compris, en relation avec les services de police et de justice, pour aller à la rencontre de près de mille victimes par an, les conseillent, les accompagnent, y compris dans les hôpitaux, les locaux de police et de gendarmerie et parfois même au funérarium. Ce sont eux qui recherchent des hébergements d’urgence pour une femme qui vient de subir de graves violences conjugales mais aussi de victimes par ricochet d’un acte de suicide, d’un accident de la route ou de tout autre fait commis dans des circonstances traumatisantes.
Ce rôle éminent, les juges du SM le soulignent dans leur lettre à leur ministre. « A Marseille, le SAVU a conquis sa crédibilité en donnant satisfaction aux victimes et en gagnant la confiance de l’ensemble des acteurs des politiques publiques, notamment les services de police et l’institution judiciaire. »
Le désengagement financier de l’Etat induit des situations dont on mesure concrètement l’impact dans le quotidien des juridictions. Ainsi, l’AVAD seule association d’aide aux victimes habilitée depuis 2001 par le ministère de la Justice à exercer des mandats de représentation légale de mineurs, avait du suspendre pendant neuf mois ses missions d’administrateur ad hoc, dépassée par l’afflux de jeunes victimes - jusqu’à 250 dossiers au pénal - que ses faibles effectifs ne lui permettaient plus de traiter. Du coup, des procès avaient dû être repoussés.
David COQUILLE

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