Deux inspecteurs de l’Afssaps racontent la découverte du gel frauduleux et renvoient la balle sur le certificateur Tüv
Au procès du scandale des implants mammaires PIP remplis de gel
industriel, l’Agence française de surveillance du médicament s’est
retrouvée hier sur le grill aux côtés de Tüv Friedland, le certificateur
allemand pourtant constituée partie civile. Ont-ils tardé et manqué à
leur devoir de vigilance ?
« On ne va pas non plus faire le travail des organismes
certificateurs. On intervient en second niveau. Avec 6 inspecteurs pour
contrôler des milliers de dispositifs médicaux, clairement on se base
sur des campagnes d’inspections ciblées », n’a pas manqué de rappeler
Jean-Christophe Born, l’inspecteur de l’ex-Afssaps lors de son audition.
Lui et son collègue Thierry Sirdey vont découvrir la fraude quand le
1er mars 2010, ils sont alertés d’une montée de ruptures des implants.
Lors d’une réunion à Paris le 19 décembre 2009, trois cadres de PIP
avaient livré des explications cohérentes.
Les 16 et 17 mars 2010, les deux inspecteurs descendent à La
Seyne-sur-Mer tout inspecter. « J’étais parti sans suspicion de fraudes
», dit-il. Le premier jour, ils visitent les locaux de production très
bien tenus, lisent la documentation. Puis, M. Born a une intuition en se
souvenant avoir discuté la veille avec son collègue de photos de fûts
étranges stockés prises à l’extérieur de l’usine et envoyées le 30
novembre 2009 par un mystérieux « praticien expert ».
« Avec 9 tonnes, cela aurait fait du 9 kilos par implant ! »
Le
second jour, il veut alors voir ces fûts. « On s’est rapproché des
clôtures et on a vu sur les étiquettes le nom Silop. » C’est une huile
non médicale utilisée pour imperméabiliser les plaques de composants
électroniques... « On a commencé à s’inquiéter. Je suis allé vers les
fûts. Les étiquettes avaient disparu. J’ai demandé qu’on nous tire les
fûts. Le magasinier ne voulait pas. Et là on a retrouvé les étiquettes
des matières premières. » L’inspecteur interroge. « On ne nous répondait
pas. Ce qui m’a beaucoup surpris c’est que le directeur de production
ne sache pas. Je m’inquiétais, je demandais dans les étages des
explications. Jean-Claude Mas ne s’en souvenait plus. Il disait qu’il
avait fait de la recherche avec. Le directeur du développement me disait
que cela avait servi à faire 1000 échantillons, mais je voyais qu’avec 9
tonnes, cela aurait fait du 9 kilos par implant ! » Ainsi démarre le
scandale qui va vite s’internationaliser. « Oui, c’était bien dissimulé
et sans la photo c’était bien difficile mettre le doigt dessus. Là où il
faut une belle organisation pour ne pas montrer la moindre trace des
produits, c’est pour les audits.»
« Il est clair que le gel n’était pas approprié au comportement
d’une prothèse et dans le temps n’était pas viable. Aujourd’hui, on
attend d’une prothèse qu’elle dure 10 à 15 ans », témoigne Thierry
Sirdey, l’inspecteur évaluateur. Avec les prothèses PIP, le risque de
rupture avant 5 ans est 30% supérieur aux autres marques et « oblige à
des ré-implantations prématurées ». « C’est là où réside le risque en
terme de santé publique ». Sur la dangerosité intrinsèque, « il n’a pas
été démontré de cytotoxicité ni de génotoxicité », le gel qui transsude
sur les tissus humains serait juste irritant. Quant à Tüv qui certifiait
les implants, sa position ne varie pas : « Nous avons été trompés par
la société PIP qui pratiquait une fraude de grande ampleur. Nous ne
sommes pas des inspecteurs ni des policiers. Nous ne recherchons pas les
fraudes de manière active. »
David COQUILLE
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire