mardi 23 avril 2013

« C’était bien dissimulé, une belle organisation »

Deux inspecteurs de l’Afssaps racontent la découverte du gel frauduleux et renvoient la balle sur le certificateur Tüv

Au procès du scandale des implants mammaires PIP remplis de gel industriel, l’Agence française de surveillance du médicament s’est retrouvée hier sur le grill aux côtés de Tüv Friedland, le certificateur allemand pourtant constituée partie civile. Ont-ils tardé et manqué à leur devoir de vigilance ?




    « On ne va pas non plus faire le travail des organismes certificateurs. On intervient en second niveau. Avec 6 inspecteurs pour contrôler des milliers de dispositifs médicaux, clairement on se base sur des campagnes d’inspections ciblées », n’a pas manqué de rappeler Jean-Christophe Born, l’inspecteur de l’ex-Afssaps lors de son audition. Lui et son collègue Thierry Sirdey vont découvrir la fraude quand le 1er mars 2010, ils sont alertés d’une montée de ruptures des implants. Lors d’une réunion à Paris le 19 décembre 2009, trois cadres de PIP avaient livré des explications cohérentes.   
    Les 16 et 17 mars 2010, les deux inspecteurs descendent à La Seyne-sur-Mer tout inspecter. « J’étais parti sans suspicion de fraudes », dit-il. Le premier jour, ils visitent les locaux de production très bien tenus, lisent la documentation. Puis, M. Born a une intuition en se souvenant avoir discuté la veille avec son collègue de photos de fûts étranges stockés prises à l’extérieur de l’usine et envoyées le 30 novembre 2009 par un mystérieux « praticien expert ».

« Avec 9 tonnes, cela aurait fait du 9 kilos par implant ! »

Le second jour, il veut alors voir ces fûts. « On s’est rapproché des clôtures et on a vu sur les étiquettes le nom Silop. » C’est une huile non médicale utilisée pour imperméabiliser les plaques de composants électroniques... « On a commencé à s’inquiéter. Je suis allé vers les fûts. Les étiquettes avaient disparu. J’ai demandé qu’on nous tire les fûts. Le magasinier ne voulait pas. Et là on a retrouvé les étiquettes des matières premières. » L’inspecteur interroge. « On ne nous répondait pas. Ce qui m’a beaucoup surpris c’est que le directeur de production ne sache pas. Je m’inquiétais, je demandais dans les étages des explications. Jean-Claude Mas ne s’en souvenait plus. Il disait qu’il avait fait de la recherche avec. Le directeur du développement me disait que cela avait servi à faire 1000 échantillons, mais je voyais qu’avec 9 tonnes, cela aurait fait du 9 kilos par implant ! » Ainsi démarre le scandale qui va vite s’internationaliser. « Oui, c’était bien dissimulé et sans la photo c’était bien difficile mettre le doigt dessus. Là où il faut une belle organisation pour ne pas montrer la moindre trace des produits, c’est pour les audits.»
    « Il est clair que le gel n’était pas approprié au comportement d’une prothèse et dans le temps n’était pas viable. Aujourd’hui, on attend d’une prothèse qu’elle dure 10 à 15 ans », témoigne Thierry Sirdey, l’inspecteur évaluateur. Avec les prothèses PIP, le risque de rupture avant 5 ans est 30% supérieur aux autres marques et « oblige à des ré-implantations prématurées ». « C’est là où réside le risque en terme de santé publique ». Sur la dangerosité intrinsèque, « il n’a pas été démontré de cytotoxicité ni de génotoxicité », le gel qui transsude sur les tissus humains serait juste irritant. Quant à Tüv qui certifiait les implants, sa position ne varie pas : « Nous avons été trompés par la société PIP qui pratiquait une fraude de grande ampleur. Nous ne sommes pas des inspecteurs ni des policiers. Nous ne recherchons pas les fraudes de manière active. »
David COQUILLE

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