Des salariés qui savaient et une agence de surveillance restée sourde aux signaux d’alerte.
Des salariés qui savaient mais ont laissé faire, une agence de
surveillance qui a compris mais trop tard. Au procès PIP, la vérité
brille de toutes ces facettes. L’ex-directeur de l’évaluation de
plusieurs dizaines de milliers de dispositifs médicaux de l’Agence
nationale de surveillance du médicament, ex-Afssaps, est venu dire hier
au 5ème jour du procès à Marseille que « la responsabilité de la
surveillance du fabricant de prothèses » incombait au « premier niveau »
à l’organisme certificateur, Tüv Friedland, bornant le rôle de l’ANSM
« en second niveau » à de la collecte de données d’alertes de
pharmaco-vigilance.
« Ce système réglementaire a des limites », a bien été obligé de
reconnaître Jean-Claude Ghislain qui reçoit 12.000 signalements chaque
année. Ainsi les rapports d’audit de Tüv, le certificateur allemand des
implants PIP ne lui étaient communiqués. « Cela reste un problème
général d’opacité du système. On peut en tant que de besoin réaliser des
contrôles de second niveau qui viennent après ceux des organismes
certificateurs. » De pointer aussi la carence des chirurgiens qui
respectent peu l’obligation de déclarer les incidents. Depuis l’ANSM
développe des outils d’analyse pour détecter les signaux d’alerte perdus
dans le bruit de fond. « C’est typiquement la problématique sur les
implants avec des incidents à bas bruit et à fréquence faible. Nous
avions eu 8 signalements de chirurgiens en 2007 puis 34 en 2008. Cela a
attiré notre attention. » A l’été 2009, on sait qu’il se passe quelque
chose sans toutefois identifier l’origine des ruptures précoces
d’implants. Les responsables de la société PIP répondaient que leur
process de fabrication n’avait pas changé. Une fois le retrait des
prothèses du marché le 30 mars 2010, l’Afssaps reçoit 4.000 déclarations
rétrospectives d’explantations pour des ruptures d’implants ! « C’est
dramatique pour nous de constater que si nous avions eu en temps et en
heure ces signalements des chirurgiens, nous aurions pu aller plus
rapidement à la conclusion », remarque M. Ghislain. Sur la dangerosité
des prothèses au gel PIP dont 20% connaissent des anomalies avant la
6ème année, « Clairement ces implants occasionnent un danger du fait des
ré-interventions mais à ce jour, les données ne permettent pas
d’objectiver un surrisque de cancer. »
Une agence parisienne aveugle, des salariés muets à la Seyne
-sur-Mer. « Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas eu l’idée de dénoncer
les choses. Je n’avais aucune raison de douter de la dangerosité. Le gel
n’était pas déclaré mais cela ne voulait pas dire qu’il ne répondait
pas aux normes. Je regrette de ne pas m’être posée de questions plus tôt
», a dit Malika, l’ingénieure qui tentait d’améliorer la formule du
gel de Jean-Claude Mas. Hervé l’informaticien était chargé d’effacer
avant chaque audit les traces des « fournisseurs indésirables ». Il
baisse les yeux : « Je ne faisais pas la bascule de gaieté de coeur. La
dénonciation, ça ne fait pas partie de mon vocabulaire. C’est vrai qu’on
peut toujours être rebelle mais moi je n’ai pas refusé. » « Après
chaque audit du Tüv, les services fêtaient ça en faisant un pot et ça
repartait comme avant » se souvient Valérie en charge de l’hygiène à
PIP.
David COQUILLE
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