mercredi 27 mars 2013

Décontamination pénale d'un duo de chimistes

Saupoudrage d’amendes sur un trafic de radio-éléments à la faculté St-Jérôme, Marseille.

L’ingénieur Jean-Pierre Frideling, 65 ans, ancien technicien au Centre d'études atomiques de Saclay, et sa fille Aline, 37 ans, docteur en chimie, ont été reconnus coupables, mercredi 27 mars 2013, par le tribunal correctionnel de Marseille d’exercice sans autorisation d’activités nucléaires, de publicité sur Internet relative à l’emploi de radio-nucléides, de mise en danger d’autrui par risque d’exposition aux rayonnements ionisants. Ils n’étaient pas présents au délibéré mais représentés par leur avocat Me Yves Armenak.

Les chimistes s’approvisionnaient en carbone 14 auprès deux entités liées au complexe nucléaire de Beloyarsk en Oural (SF Nikiet et FSUE INM) en versant des pots de vin.
    L’ingénieur, brièvement incarcéré, se voit frapper d’une interdiction définitive de gérer toute société en sus d’amendes pour un montant total de 14.000 euros. Sa fille écope de 8.400 euros d’amendes en tout. Tous les deux sont relaxés pour abandon de déchets dangereux mais devront solidairement verser 74.846 euros à l’Université Paul Cézane, grosso modo la facture de décontamination du laboratoire de l’aile 5.
    Le duo s’était livré dans des conditions lamentables d’insécurité à du bricolage de radio-éléments en dissimulant leurs activités derrière la start-up de la fille, Innovation  Chimie Fine (ICF), hébergée depuis 2000 dans les locaux de la faculté. Ils s’approvisionnaient en carbone 14 auprès deux entités liées au complexe nucléaire de Beloyarsk en Oural (SF Nikiet et FSUE INM) en versant des pots de vin sur des comptes à Belize et à Vilnius en Lituanie. Leur négoce vers des laboratoires pharmaceutiques américains notamment passait par des sociétés écran pour déjouer un embargo américain sur ces installations nucléaires russes suspectes. « Je n’ai pas connaissance de situation ou nous avons découvert une situation aussi grave et incontestable avec de tels agissements », avait déclaré au procès du 28 janvier 2013, Pierre Perdiguier, le chef de la division régionale de l’Autorité de sûreté nucléaire à l’origine de l’enquête en 2007.


Ganagobie, c’est lui

Des techniciens de l'Institut de radio-protection et de sûreté nucléaire (IRSN) reconditionnant les produits abandonnés dans la villa de Ganagobie (04) Photo IRSN
 Jean-Pierre Frideling avait été condamné en 2006 pour des faits identiques dans sa précédente société Isotopchim à un an de prison avec sursis et 100.000 euros d’amende pour des manipulations de Carbone 14 et de Tritium dans une villa pas loin du monastère de Ganagobie et du Centre d'études atomiques de Cadarache qu’il avait pour client.

La villa radioactive de la société Isotopchim à Ganagobie abandonnée par Jean-Pierre Frideling en sept. 2000 devra être rasée. Il y avait laissé 600 fioles de substances non identifiées. " Il faudra plusieurs années pour en venir à bout" estime Patrick Poiret de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA)


La start-up de St-Jérôme n’avait pour vocation que de permettre au père de poursuivre ses activités avec les Russes qui lui assuraient jusqu’à 300.000 dollars US de commandes annuelles. La décontamination en cours de la villa radioactive de Ganagobie coûtera 4 millions d’euros à l’Etat.

David COQUILLE

Zizou en impose-t’il en zone franche ?

Débat sur l’exonération des bénéfices tirés de l’image de l’ex-n°10


La société  familiale Zidane Diffusion installée 16, avenue de Saint-Antoine dans le 15ème arrondissement de marseille et qui gère depuis 2000 les droits d’image de Zinedine Zidane et de sa marque ZZ peut-elle bénéficier de l’exonération d’impôt sur les sociétés attachée à la zone franche urbaine de Marseille ?
    Non, aux yeux du Fisc qui à la suite d’une vérification de la comptabilité de la société Zidane Diffusion sur les années 2000 et  2001 a estimé que les bénéfices tirés de l’exploitation commerciale de droits attachés au nom et à l’image d’une personnalité ne peuvent jouir de l’exonération ouverte au titre des « droits de la propriété industrielle et commerciale » en zone franche.
    La SAS Zidane Diffusion, créée le 30 décembre 1999 et établie dans la zone de Marseille Nord Littoral, avait acquis en 2000 auprès de la société néerlandaise Assist International Services, la concession de l’exploitation de droits attachés au nom et à l’image de Zizou, moyennant le versement d’une redevance annuelle de 100.000 euros au titre de trois contrats concédés et d’un pourcentage sur les produits des contrats publicitaires conclus. Assist International Services avait déjà pour client le FC Barcelone, l’Inter de Milan, l’AS Monaco et d’autres joueurs français, Blanc et Djorkaef.
    La cour administrative d’appel de Paris avait donné raison au président Zizou et validé l’exonération du millionnaire du ballon rond dans un arrêt de mai 2011 mais en analysant - à tort selon le Conseil d’Etat - que ses bénéfices ne sauraient être regardés comme « tirés de l’exploitation de droits de la propriété industrielle et commerciale ». Ce qu’ils sont en définitive selon la haute cour. L’affaire est donc renvoyée devant la cour administrative d’appel de Paris pour être mieux jugée. Zidane Diffusion est administré par son aîné Farid. Elle emploie quatre salariés et a réalisé pour l’année 2011 un chiffre d’affaires de 1.109.829 euros pour un résultat de 408.646 euros.
D.C.

mardi 26 mars 2013

Francis Castola nie toute implication dans le trafic de stupéfiants.

« Comme si je racontais des romans ! »

« Je ne me laisserai pas faire ! », pétarade de nouveau Me Bernard Ripert qui prend d’assaut chaque matin de la JIRS saisie pour trois semaines de 24 présumés trafiquants internationaux de shit et de cocaïne convoyés par hélicoptère et «go fast». L’éruption passée, le tribunal s’est lancé dans l’examen du convoi routier formé entre Francis Castola, Krishna Leger et Eric Jourdan arrêtés le 26 septembre 2010 près de Perpignan avec 4,8 kilos de cocaïne.
    « Il est où le commanditaire, l’acheteur, celui qui met les sous ?! », insiste la présidente, Emmanuelle Bessone. « Vous pensez que si c’est ma marchandise, je suis assez bête pour l’avoir sur moi ?! C’est moi sur la moto ! », peste dans le box ce noctambule cannois de 46 ans repris après avoir purgé une peine de 16 ans d’emprisonnement pour trafic de stupéfiants. Krishna lui s’était faire prendre en Espagne en 2003 avec 1.100 kilos de cocaïne ! « Je n’ai rien fait d’illégal jusqu’en septembre. Je bascule sur 15 jours seulement et rien d’autre », jure Jourdan dans l’embarras sur un paquet de puces téléphoniques roumaines que Francis Castola lui avait ramenées de Bucarest. 

« Les bronzés du ski qui passent la frontière ! »

    Avec cet figure majeure, on bascule net dans le chaudron insulaire. « Je n’ai jamais fait partie du convoi, je n’ai jamais transporté de trucs. J’étais resté trois jours en Roumanie pour un projet de machines à sous. Comme je veux pas qu’on m’écoute, j’ai pensé qu’avec des puces roumaines, ils auraient plus de mal », explique Francis Castola, 39 ans, qui se dit étranger à tout. « On parle que de moi dans cette affaire à cause de la presse, les corbeaux du fond qui parlent que de moi ! On a jamais parlé de stupéfiants avec Eric et Krishna. Je descendais à Madrid pour chercher des investisseurs car il me fallait 500.000 euros pour démarrer au Nicaragua. »

Le même hélicoptère qui était jaune quand il avait servi pour des rotations de shit de l'ex-président de la chambre de commerce d'Ajaccio, Gilbert Casanova, condamné à 8 ans de prison.

La présidente paraît peu convaincue par cet « enfant du jeu » qui trouve toujours une bonne raison d’être au bon endroit : ici pour négocier des pierres précieuses, là des machines à sous, ici des toiles impressionnistes, là des terrains. La came ? Jamais. « Alors vos amis vous auraient fait un sale coup en vous faisant participer à un convoi de stupéfiants sans vous le dire mais c’est abominable ?! » - « Tournez pas ça comme ça ! Comme si je vous racontais des romans ! Peut-être qu’ils m’ont rien dit pour me protéger ! », se cabre celui qui s’énerve « dix fois par jour » Lui, ouvreur d’un convoi de coke ? « Je me suis perdu à un moment pour aller à la station-service, alors si c’est moi l’ouvreur, c’est les bronzés du ski qui passent la frontière ! », fait rire le prévenu.
    Son père Francis qui avait aidé Guy Orsoni à mettre pied au Nicaragua a été liquidé en 2005. Thierry son frère a été abattu en 2009. Lui, le dernier que la police positionne comme un membre de la bande du « Petit Bar » a survécu à deux tentatives d’assassinat. Le gilet-pare balle et la voiture blindée, ça va un moment. D’où la nostalgie de l’empire familiale à Managua où il voulait retourner : « De zéro, on est monté à 1.800 machines au Nicaragua en 1995 avec mon père et mon frère qui ont mis 2 millions de dollars. La licence des jeux, je l’ai pour 2.000 machines. Il me faut l’investissement et la logistique. Vous croyez pas que j’allais lâcher le morceau ! Je voulais remettre le couvert en Amérique centrale ! »
David COQUILLE

lundi 25 mars 2013

Turbine en marche au clair de lune

24 prévenus au procès d'un vaste trafic international de stupéfiants.

Vingt-quatre prévenus d’un vaste trafic international de résine de cannabis et de cocaïne entre le Maroc et la France, via l’Espagne dont 7 écroués, comparaissent pour trois semaines devant la JIRS de Marseille. Le dossier mêlent la mafia du Rif marocain, le milieu marseillais et des figures niçoises. Parmi les prévenus, Francis Castola, 37 ans, un membre du grand banditisme corse mais aussi Domenico Marasco, 75 ans, décrit comme le fondé du pouvoir de la mafia calabraise, la N’Drangheta, sur la Côte d’Azur, ou encore le franco-marocain Anas Tadini, joueur de poker de rang international.
Vecteur singulier du trafic, un hélicoptère, le même Écureuil immatriculé F-GKMR dans les soutes duquel 560 kilos de cannabis avaient été saisis le 22 juin 2008, convoyés par l’ancien président de la chambre de commerce et d’industrie d’Ajaccio. Gilbert Casanova avait été condamné à 8 ans de prison en décembre 2010 devant ce même tribunal. Dans le nouveau dossier, la carlingue jadis jaune a simplement été repeinte en noir !

« C’est un courtier en matières stupéfiantes »
Au départ en 2008, un tuyau parvenu aux policiers sur Thierry Derlan, un braqueur proche du gang de la «brise de mer», sorti de prison mais dont tout laissait à penser qu’il s’était mis dans les stups, opérant à partir de Marbella en Espagne. Derlan qui sera abattu à Nice le 25 mai 2010 s’était fait connaître à l’occasion de deux évasions rocambolesques : en 1994 en explosant le mur de la maison d’arrêt de Nice puis le 26 juin 1999. en quittant les Baumettes suspendu au filin d’un hélicoptère.
Selon l’accusation, Derlan gérait en maître les remontées de stupéfiants vers la Côte d’Azur. Il projetait de devenir agent de joueur et avait repris les rennes du trafic tenu depuis l’Espagne par Eric Berthuy alias « la tortue » assassiné à Marbella le 15 décembre 2009. Derlan était en contact avec Diègue Campo, un Cannois positionné dans le trafic comme un « super VRP » traçant entre la France-Espagne avec des «go-fast» aux caches sophistiquées. « On vous a écouté sur 18 lignes téléphoniques différentes ! », lui a lancé hier la présidente, Emmanuelle Bessone lui lance. De lui rappeler une conversation rigolote à propos des obsèques de Bertuy qu’il organise : « On pourrait pas trouver une tortue en marbre avec un truc au milieu pour y mettre les fleurs ? » « Vous n’êtes pas la colonne vertébrale de ce dossier mais vous en êtes un fil conducteur », le positionne la magistrate. « C’est un courtier en matières stupéfiantes comme d’autres le sont en vin ou en titre », a dit de lui le juge d’instruction Philippe Dorcet. Campo est même sollicité par les Calabrais pour trouver une solution de rapatriement de deux tonnes de cocaïne bloquées en Mauritanie.

La « drop zone » pour charger 450 kilos dans 15 ballots


L’incontournable du dossier, Christophe Sormani, le pilote de l’hélicoptère loué dans le Nord Pas-de-Calais. Après deux rotations de 450 kilos de résine classée «semi-sum» pour le compte du marseillais Lahouari Restani, il se met au service des Français de Marbella, moyennant 50.000 euros par opération. Le 23 juillet, il décolle de Mandelieu, bidonne son plan de vol et gagne par petits bonds la ville de Jerez de la Frontera près de Cadix où un contact lui confie le point GPS de la « drop zone » de chargement : une ferme près de Tanger qu’il atteint en 45 minutes de nuit en rasant la surface de la Méditerranée pour déjouer les radars espagnols. « Une nuée de gars sont arrivés et ont chargé les 15 ballots de résine de cannabis dans la machine que je tenais turbine en marche en moins de cinq minutes. Nous avons fait le trajet retour avec Ludo toujours à 50 mètres d’altitude sur le détroit de Gibraltar. Il faisait tellement beau avec le clair de lune que je suis descendu même plus bas. Ludo s’exclamait qu’il allait toucher l’eau avec sa main », relate Sormani en garde-à-vue.

Entre ses baptêmes de l’air offert aux filles du Madam’s et son portable dédié pour les appels à son marabout, son sens de la fantaisie et de l’aventure risque de ne pas être du goût des magistrats de la JIRS.
David COQUILLE


dimanche 24 mars 2013

Huis clos au procès des sous-mariniers

Les clés USB contiennent les données de navigation et les routes empruntées par le sous-marin nucléaire d'attaque Améthyste lors de sa dernière mission Agapanthe dans l'Océan Indien. Procès du 18 mars 2012 devant la chambre militaire du tribunal correctionnel de Marseille.

L'Améthyste est un sous-marin nucléaire d'attaque qui a pour mission d'escorter le porte-avions Charles-de-Gaulle
Sous couvert de sécurité nationale, la chambre militaire du tribunal correctionnel de Marseille tend vers une justice secrète, opaque. Trois marins toulonnais du sous-marin nucléaire d’attaque « Améthyste » ont été jugés, lundi, à huis clos et condamnés à la suite du vol en 2011 de supports informatiques classifiés. Deux enseignes de vaisseau ont écopé d’une amende de 500 euros pour violation de consigne et un quartier-maître accusé de « soustraction de secret de défense » a écopé d’un mois de prison avec sursis. Les peines ne seront pas inscrites à leur casier. En janvier 2012, le parquet militaire de Marseille avait déjà fait baisser le rideau sur le procès d’un accident de transport de missiles nucléaires à Istres. Toujours moins pour protéger des secrets que pour taire les dysfonctionnements.

 Tout part du cambriolage un week-end fin mai 2011 de 15 boxes en sous-sol d’une résidence à la Seyne-sur-Mer où vit Thomas, 27 ans, timonier de l’équipage rouge du sous-marin chargé de protéger le porte-avions Charles-de-Gaulle. Deux clés USB lui sont dérobées qui n’auraient jamais dû sortir du coffre de la base. Il les avait posées la veille sur une étagère près de son baluchon en vue du passage de relais avec l’équipage bleu. C’est une catastrophe pour l’ingénieur irréprochable qui lundi, se tenait livide, dans sa tenue de marin décoré de trois médailles signalant ses brillants états de service.

Des heures de plongée aux immersions limites
Le garçon a pour mission de préparer la route du sous-marin à propulsion nucléaire. Préparation énorme, tâche intense, solitaire, il avait ramené du travail chez lui. « D’ordinaire je fais très attention car je sais que j’utilise des données très importantes », a-t-il expliqué aux gendarmes maritimes. Leurs informations croisées avec celles du Renseignement intérieur et de la Sécurité militaire ont révélé un gros laxisme au sein du service Navigation. Thomas n’aurait jamais du être en possession d’une clé «Confidentiel défense» réservée aux seuls officiers habilités et qui disposent d’un coffre fort sur la base. « Mais pour bien faire son travail, il était obligé d’utiliser cette clé », a expliqué Jaques le chef du service Navigation du sous-marin. Sa faute à lui, c’est d’avoir prêté à son timonier une clé dont il ignorait en plus qu’elle appartenait au chef de la « Détection » : Jean-Pierre avait égarée la sienne et n’avait pas osé déclarer sa perte... Si la première était « a priori vide », pas l’autre à «Diffusion restreinte» que Thomas avait régulièrement obtenue mais sur laquelle il avait fort imprudemment stocké des données sensibles : les routes empruntées par le sous-marin rentré de sa mission «Agapanthe» en février 2011 et que Thomas devait remettre au sous-marin La Perle, de relève dans l’Océan indien.



« Sa hiérarchie ne lui attribue aucun support adapté »
Ainsi une clé ordinaire en plastique bleu translucide de 2Go a pu être dérobée, contenant les zonages et limites de danger de l’Améthyste, ses heures de plongées, d’immersions limites durant la traversée du Canal de Suez, du Détroit d’Ormuz, sa navigation en Mer Rouge, dans le Golf de Suez, sa position à Abu Dhabi et à Djibouti... Si ces données compressées ne sont exploitables que par le logiciel «SERIN» d’aide à la navigation de la Marine nationale, des « commentaires et annotations sont consultables », a indiqué la Direction inter-armées des réseaux d’infrastructures et des systèmes d’information du ministère de la défense.
Au vu du « comportement désinvolte » des militaires en cause, de la « sensibilité des informations », de « la gravité des imprudences et négligences commises », le ministre de la défense avait jugé « difficile de laisser ces faits sans réponses pénales ». Le ministère avait toutefois estimé « nécessaire de nuancer la faute » du timonier « en précisant qu’il travaille exclusivement avec des documents classifiés et que sa hiérarchie ne lui attribue aucun support de stockage adapté, de part son statut de militaire du rang, ce qui ne lui permet pas de travailler en respect des règles du secret défense.»
David COQUILLE