lundi 13 mai 2013

Un médecin régulateur du SAMU jugé pour homicide involontaire

Sabrina, 25 ans, est décédée d’un syndrome rare. La faute au Centre 15 d’avoir mésestimé l’urgence vitale ?  

Une régulatrice du centre de régulation du premier SAMU de France a comparu hier, 13 mai 2013, pour homicide involontaire, accusée d’avoir pris des décisions inadaptées face à une situation de détresse vitale. « Si je n’avais pas appelé le SAMU, ma fille serait vivante ! Elle a même pas voulu m’envoyer les pompiers ! Je m’en veux à cause d’elle ! », s’est écriée la maman en larmes.
    13 février 2009. Après des vomissements et des diarrhées, Sabrina, 25 ans, s’évanouit. Sa mère, infirmière, fait le «15» et décrit à 22h34 l’état de sa fille inconsciente, les yeux révulsés et qui respire à peine. L’appel enregistré est transféré par le permanencier au médecin régulateur avec la mention "malaise avec perte de connaissance". « Pour moi, c’était un cortège de symptômes qui accompagne une gastro-entérite. Il y a avait une épidémie », soutient Michaële A., 39 ans qui justifie n’avoir dépêché qu’un médecin de garde. L’autopsie révélera un syndrome cardiaque de Wolf Parkinson White nécessitant un «SMUR Flash», soit le démarrage immédiat d’une ambulance respiratoire. « J’avoue ne pas avoir entendu qu’elle était inconsciente. C’est pour ça que je ne l’ai pas classée en R1 », vacille la régulatrice qui se ressaisit : « Aujourd’hui, j’aurais quand même demandé à un médecin de la voir. »

« Vous prenez un Lexomil et vous vous calmez ! »
    A 22h56, toujours personne, la  mère rappelle : « Elle respire plus. On dirait qu’elle a des râles, vite, s’il vous plait. Vite, son état s’est aggravé, je ne sens pas son pouls. » Réponse sans gants de la régulatrice : « Si elle a plus de pouls et qu’elle respire plus, c’est qu’elle est morte. On se calme, on se calme, on se détend. Faites lui mal pour voir si elle réagit. » Et avant de raccrocher : « La télé-transportation, ça n’existe pas encore. On passe pas encore par le fil du téléphone ! Vous l’allongez et vous lui remontez les jambes. Vous prenez un Lexomil et vous vous calmez ! » La présidente, Julie Heisserer s’étonne : « On n’a pas une famille agressive. Au contraire ils sont très polis, s’excusent de déranger. Vous demandez qu’on pince la patiente et vous ne vous intéressez pas à la réponse. » Mais la toubib n’en démord pas : « On n’a que 6 ambulances respiratoires. Quand la situation est inévaluable, on n’envoie qu’un VSAB. Je reconnais avoir été un peu brusque mais cela n’aurait  malheureusement rien changé. » Plus tard elle fend un peu l’armure : « Je ne suis plus urgentiste. On se remet en question, ce n’est pas évident. J’ai eu un problème cérébral. C’est un désastre. On a tous souffert. »
    Les marins-pompiers mettront 6 minutes pour arriver à 23h15 dans le 13ème : « On tient un pouls. Y a 2 minutes on avait que dalle. Il faut une ambulance respiratoire », réclame le sauveteur par radio. Le  SAMU se perd et arrive à 23h33. Le parquet a réclamé de 4 à 6 mois avec sursis, s’appuyant sur l’avis d’experts pour qui « l’urgence vitale est déjà nettement caractérisée » et l’attitude devant une « situation de haute gravité » n’a pas été conforme au principe de précaution justifiant le démarrage d’une unité de réanimation. « 1800 appels par jour, c’est 2mn par personne ! Quelle responsabilité d’avoir en main et sur la conscience la vie des autres ! Le Samu, c’est pas une science exacte. Elle n’a jamais manqué à ses diligences ! », ont plaidé en relaxe Me Stéphanie Le Devendec et Me Fabrice Giletta.
Délibéré le 3 juillet.
David COQUILLE

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire