Sabrina, 25 ans, est décédée d’un syndrome rare. La faute au Centre 15 d’avoir mésestimé l’urgence vitale ?
Une régulatrice du centre de régulation du premier SAMU
de France a comparu hier, 13 mai 2013, pour homicide involontaire, accusée d’avoir
pris des décisions inadaptées face à une situation de détresse vitale. «
Si je n’avais pas appelé le SAMU, ma fille serait vivante ! Elle a même
pas voulu m’envoyer les pompiers ! Je m’en veux à cause d’elle ! »,
s’est écriée la maman en larmes.
13 février 2009. Après des vomissements et des diarrhées, Sabrina,
25 ans, s’évanouit. Sa mère, infirmière, fait le «15» et décrit à 22h34
l’état de sa fille inconsciente, les yeux révulsés et qui respire à
peine. L’appel enregistré est transféré par le permanencier au médecin
régulateur avec la mention "malaise avec perte de connaissance". « Pour
moi, c’était un cortège de symptômes qui accompagne une gastro-entérite.
Il y a avait une épidémie », soutient Michaële A., 39 ans qui justifie
n’avoir dépêché qu’un médecin de garde. L’autopsie révélera un syndrome
cardiaque de Wolf Parkinson White nécessitant un «SMUR Flash», soit le
démarrage immédiat d’une ambulance respiratoire. « J’avoue ne pas avoir
entendu qu’elle était inconsciente. C’est pour ça que je ne l’ai pas
classée en R1 », vacille la régulatrice qui se ressaisit :
« Aujourd’hui, j’aurais quand même demandé à un médecin de la voir. »
« Vous prenez un Lexomil et vous vous calmez ! »
A 22h56,
toujours personne, la mère rappelle : « Elle respire plus. On dirait
qu’elle a des râles, vite, s’il vous plait. Vite, son état s’est
aggravé, je ne sens pas son pouls. » Réponse sans gants de la
régulatrice : « Si elle a plus de pouls et qu’elle respire plus, c’est
qu’elle est morte. On se calme, on se calme, on se détend. Faites lui
mal pour voir si elle réagit. » Et avant de raccrocher : « La
télé-transportation, ça n’existe pas encore. On passe pas encore par le
fil du téléphone ! Vous l’allongez et vous lui remontez les jambes. Vous
prenez un Lexomil et vous vous calmez ! » La présidente, Julie
Heisserer s’étonne : « On n’a pas une famille agressive. Au contraire
ils sont très polis, s’excusent de déranger. Vous demandez qu’on pince
la patiente et vous ne vous intéressez pas à la réponse. » Mais la
toubib n’en démord pas : « On n’a que 6 ambulances respiratoires. Quand
la situation est inévaluable, on n’envoie qu’un VSAB. Je reconnais avoir
été un peu brusque mais cela n’aurait malheureusement rien changé. »
Plus tard elle fend un peu l’armure : « Je ne suis plus urgentiste. On
se remet en question, ce n’est pas évident. J’ai eu un problème
cérébral. C’est un désastre. On a tous souffert. »
Les marins-pompiers mettront 6 minutes pour arriver à 23h15 dans le
13ème : « On tient un pouls. Y a 2 minutes on avait que dalle. Il faut
une ambulance respiratoire », réclame le sauveteur par radio. Le SAMU
se perd et arrive à 23h33. Le parquet a réclamé de 4 à 6 mois avec
sursis, s’appuyant sur l’avis d’experts pour qui « l’urgence vitale est
déjà nettement caractérisée » et l’attitude devant une « situation de
haute gravité » n’a pas été conforme au principe de précaution
justifiant le démarrage d’une unité de réanimation. « 1800 appels par
jour, c’est 2mn par personne ! Quelle responsabilité d’avoir en main et
sur la conscience la vie des autres ! Le Samu, c’est pas une science
exacte. Elle n’a jamais manqué à ses diligences ! », ont plaidé en
relaxe Me Stéphanie Le Devendec et Me Fabrice Giletta.
Délibéré le 3 juillet.
David COQUILLE
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