jeudi 2 mai 2013

« Ce charlatan cupide a lacéré leur féminité »

Procès PIP. Les parties civiles se succèdent pour pointer les absents et dénoncer les carences institutionnelles.

30 avril 2013. « Mais de qui se moque-t’on ! » est l’exclamation la plus servie - et à raison - au procès de la vaste fraude aux implants mammaires PIP, entré depuis hier et pour deux semaines dans la phase des plaidoiries indignées des parties civiles. « Ces actes de tromperie ont été posés avec une indécence rare. Ma cliente a été choquée d’apprendre que les contrôles de l’Afssaps étaient annoncés trois semaines à l’avance. De qui se moque t’on ?! Nous irons chercher la responsabilité de l’Etat pour sa carence ! », prévient Me Valérie Pirello, la première à ouvrir le ballet des plaidoiries avant le réquisitoire du 14 mai.
    Sur les 500.000 porteuses d’implants PIP dans le monde, 6.015 ont déposé une constitution de partie civile auprès du greffe détaché du Parc Chanot où se déroule le procès. Quelques dizaines de victimes ont tenu à être là. Et c’est donc « à corps présent » que des avocats prennent la barre pour raconter leur trauma. La plupart des victimes ont formulé leur demande par courrier.
    « Ma cliente a eu le sentiment d’avoir eu une bombe à retardement dans le corps », explique l’avocate de cette mère de deux enfants, sauvée à 36 ans d’un cancer du sein et qui croyait avoir reçu « la Rolls des prothèses ». Colère, ex-plantation, souffrances, questions sans réponses sont le lot de toutes ces femmes que Jean-Claude Mas a abusé. « Son angoisse profonde pénètre chaque minute de son quotidien. Le préjudice moral est là. Il est réel », analyse Me Valérie Pirello. Une autre avocate - et ils sont plus de 300 dans ce procès - se borne à chiffrer les postes d’indemnisation : « Préjudice d’anxiété : 3.000 euros. Préjudice corporel : 3.000 euros. Préjudice esthétique pour l’oedème des seins : 1.000 euros ».

« Le  million d’euros symbolique pour chaque victime»

    D’autres comme Me Serge Billet venu pour Sandrine C., ruinée à 46 ans, sont pris d’un élan digne de procès d’assises : « Le sentiment unanime qui se dégage est celui d’une dramatique comédie jouée par des acteurs-prévenus qui avec des prothèses procédurales ont cherché à masquer la laideur de leurs actes. C’est le procès d’un charlatan cupide, Jean-Claude Mas qui a lacéré leur féminité, c’est aussi le procès de la lâcheté certaine des salariés. »
    « Tüv et l’Afssaps demandent un euro symbolique. Moi, je demande pour chaque victime 1 million d’euros symbolique de dommages intérêts. S’agissant d’une telle organisation criminelle, ce n’est pas beaucoup ! », s’élance Me Christine Ravaz, confuse mais drôle et qui fait déjà le procès du procès : « Qui va payer ? C’est pas Jean-Claude Mas, c’est tout juste s’il ne fait pas la manche devant votre palais ! » « On a crucifié les femmes dans cette affaire au nom de la chirurgie esthétique et de Tüv qu’il faut protéger à tout prix.»  A ses yeux, le certificateur des implants est une fausse victime qui devrait  plutôt « comparaître comme prévenu et son directeur France devrait venir expliquer comment il effectuait les contrôles en allant au restaurant avec Jean-Claude Mas. » De dénoncer aussi l’absence des praticiens : « On n’a pas vu un seul chirurgien esthétique dans ce procès. Leur carence a pourtant coûté 100 millions d’euros à la Sécu ! »
    Prenant la parole pour « toutes ses soeurs de coeur dans le monde  qui n’ont pas pu venir », Me Nicole Pollack dénonçait les excuses opportunistes du patron de PIP : « Du premier jour au dernier, et même si vous le condamnez, il restera convaincu que son gel c’est le meilleur du monde. » Et pour résumer l’affaire, elle convoque Voltaire : « Ce qui fait et fera toujours de ce monde une vallée de larmes, c’est l’insatiable cupidité et l’indomptable orgueil des hommes. »
David COQUILLE

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