Procès PIP. Les parties civiles se succèdent pour pointer les absents et dénoncer les carences institutionnelles.
30 avril 2013. « Mais de qui se moque-t’on ! » est l’exclamation la plus servie -
et à raison - au procès de la vaste fraude aux implants mammaires PIP,
entré depuis hier et pour deux semaines dans la phase des plaidoiries
indignées des parties civiles. « Ces actes de tromperie ont été posés
avec une indécence rare. Ma cliente a été choquée d’apprendre que les
contrôles de l’Afssaps étaient annoncés trois semaines à l’avance. De
qui se moque t’on ?! Nous irons chercher la responsabilité de l’Etat
pour sa carence ! », prévient Me Valérie Pirello, la première à ouvrir
le ballet des plaidoiries avant le réquisitoire du 14 mai.
Sur les 500.000 porteuses d’implants PIP dans le monde, 6.015 ont
déposé une constitution de partie civile auprès du greffe détaché du
Parc Chanot où se déroule le procès. Quelques dizaines de victimes ont
tenu à être là. Et c’est donc « à corps présent » que des avocats
prennent la barre pour raconter leur trauma. La plupart des victimes ont
formulé leur demande par courrier.
« Ma cliente a eu le sentiment d’avoir eu une bombe à retardement
dans le corps », explique l’avocate de cette mère de deux enfants,
sauvée à 36 ans d’un cancer du sein et qui croyait avoir reçu « la Rolls
des prothèses ». Colère, ex-plantation, souffrances, questions sans
réponses sont le lot de toutes ces femmes que Jean-Claude Mas a abusé. «
Son angoisse profonde pénètre chaque minute de son quotidien. Le
préjudice moral est là. Il est réel », analyse Me Valérie Pirello. Une
autre avocate - et ils sont plus de 300 dans ce procès - se borne à
chiffrer les postes d’indemnisation : « Préjudice d’anxiété : 3.000
euros. Préjudice corporel : 3.000 euros. Préjudice esthétique pour
l’oedème des seins : 1.000 euros ».
« Le million d’euros symbolique pour chaque victime»
D’autres comme Me Serge Billet venu pour Sandrine C., ruinée à 46 ans,
sont pris d’un élan digne de procès d’assises : « Le sentiment unanime
qui se dégage est celui d’une dramatique comédie jouée par des
acteurs-prévenus qui avec des prothèses procédurales ont cherché à
masquer la laideur de leurs actes. C’est le procès d’un charlatan
cupide, Jean-Claude Mas qui a lacéré leur féminité, c’est aussi le
procès de la lâcheté certaine des salariés. »
« Tüv et l’Afssaps demandent un euro symbolique. Moi, je demande
pour chaque victime 1 million d’euros symbolique de dommages intérêts.
S’agissant d’une telle organisation criminelle, ce n’est pas beaucoup !
», s’élance Me Christine Ravaz, confuse mais drôle et qui fait déjà le
procès du procès : « Qui va payer ? C’est pas Jean-Claude Mas, c’est
tout juste s’il ne fait pas la manche devant votre palais ! » « On a
crucifié les femmes dans cette affaire au nom de la chirurgie esthétique
et de Tüv qu’il faut protéger à tout prix.» A ses yeux, le
certificateur des implants est une fausse victime qui devrait plutôt
« comparaître comme prévenu et son directeur France devrait venir
expliquer comment il effectuait les contrôles en allant au restaurant
avec Jean-Claude Mas. » De dénoncer aussi l’absence des praticiens : «
On n’a pas vu un seul chirurgien esthétique dans ce procès. Leur carence
a pourtant coûté 100 millions d’euros à la Sécu ! »
Prenant la parole pour « toutes ses soeurs de coeur dans le monde
qui n’ont pas pu venir », Me Nicole Pollack dénonçait les excuses
opportunistes du patron de PIP : « Du premier jour au dernier, et même
si vous le condamnez, il restera convaincu que son gel c’est le meilleur
du monde. » Et pour résumer l’affaire, elle convoque Voltaire : « Ce
qui fait et fera toujours de ce monde une vallée de larmes, c’est
l’insatiable cupidité et l’indomptable orgueil des hommes. »
David COQUILLE
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