6.015 femmes demandent réparation et dénient le
statut de victime à l’agence nationale de sécurité du médicament et au
certificateur allemand.
7 mai 2013. Dans le flot des plaidoiries des 6.015 parties civiles que le
tribunal correctionnel de Marseille entend depuis plusieurs jours, il y
avait eu, vendredi, la parole délicate et poignante de Me Stéphanie
Spiteri qui avait rapporté en termes pudiques et délicats le drame
silencieux de sa cliente, une femme seule, apeurée, retranchée dans sa
féminité blessée.
Mais hier, pour frapper les esprits l’avocat mandaté par le cabinet
Claude & Sarkozy a donné dans un tout autre genre, choisissant un
procédé qu’aucun n’avait osé jusque-là. « Quand on saisit la prothèse,
la membrane se déchire spontanément. » D’exhiber aux juges des photos
insoutenable d’une explantation chirurgicale de prothèses rompues, le
tout projeté suivant sa volonté en simultané sur les écrans géants de la
salle d’audience du parc Chanot. « C’est insupportable ! », réagit une
victime à la vue d’un bocal transparent. Il contient les restes d’une
prothèse rompue que Me Roman Leibovici dépose sur la table des juges
avant de diffuser la photo d’une poitrine déformée par une lymphorée...
Au douzième jour du procès des implants mammaires PIP, tout paraît bon à
certains pour édifier les juges...
Pour sa cohorte de victimes, Me Claude Lienhard a préféré, lui, le
raisonnement juridique afin d’exhorter les juges à accorder « une juste
et intégrale indemnisation ». « Vous êtes le droit en action, le seul
pouvoir indemnitaire souverain » quand tous les prévenus, organismes et
assurances « se défilent de leur responsabilité ». « N’ayez pas peur
d’indemniser toutes les victimes de leurs angoisses, de leurs
humiliations. Le monde entier vous regarde ! », venait de lancer Me
Laurent Gaudon porteur de 2.400 victimes massivement étrangères. S’il
stigmatisait très logiquement la position de Jean-Claude Mas, le
fondateur de la société PIP - « Il y a quelque chose d’indécent à dire
que son gel n’est pas dangereux » - il concentrait ses attaques sur le
certificateur allemand des implants : « Comment les victimes peuvent
comprendre que Tüv Rheinland se retrouve sur le même banc qu’elles ? Tüv
est resté passif à accorder ses certifications. Tüv n’a pas sa place
ici ! »
Six distributeurs mondiaux réclament 26 M d'euros pour atteinte à la réputation
Les six distributeurs mondiaux (Italie, Roumanie, Bulgarie, Syrie,
Brésil et Mexique) qui ont diffusé les prothèses PIP dans 65 pays,
n’étaient pas en reste : « Cette affaire leur colle à la peau. Les
prévenus les ont trompés sur toute la ligne. C’est un mensonge collectif
dans une entreprise du mensonge qui a permis à PIP de remplir ses
carnets de commandes à l’export », soulignait Me Olivier Aumaitre pour
réclamer 26 millions d’euros de préjudice économique dont l’« atteinte à
la réputation ».
« Je dis que l’Etat ne fait rien ! », pestait Me Mohan Mouhou contre
l’ex-Afssaps « venue en sous-marin dans la procédure » alors que « son
manquement à l’obligation de veille sanitaire a contribué au dommage. »
Il était rejoint par Me Arié Alimi (conseil de 91 victimes) pour qui «
le Tüv et l’Afssaps avaient l’obligation de vérifier qu’il n’y avait pas
tromperie » or « pendant plus de vingt ans, ils n’ont réalisé aucun
contrôle inopiné. » De rappeler qu’en 2000, l’agence américaine FDA
était venue sur place à la Seyne-sur-Mer constater la non conformité des
prothèses alors remplies au gel physiologique. « Depuis 2006, les
incidents ont doublé. Le Dr Marinetti en 2008 signale le caractère
totalement exubérant de ces prothèses. Que fera l’Afssaps ? Rien ! »
« Les prévenus baissent la tête et attendent que l’orage passe.
Edwige, elle, a été foudroyée », venait dire Me Isabelle Colombani pour
la famille Ligoneche. Cette dame décédée à 53 ans en novembre 2011 d’un
lymphome dont l’avocate voudrait qu’il soit établi que le gel PIP en fut
la cause. « Je ne connaîtrai pas l’issue de cette procédure. Mes
mortelles salutations», avait écrit la victime dans une lettre adressée
au procureur de la République et lue à l’audience.
David COQUILLE
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