jeudi 2 mai 2013

« PIP, une petite PME française qui magouille et trifouille »

Pour le syndicat des chirurgiens esthétiques, « ce n’est pas le procès d’une filière » mais la « trahison » d’un fabricant de prothèses mammaires.

3 mai 2013. Les plaidoiries se suivent et se ressemblent au procès PIP entré dans sa 11ème journée d’audience au palais de justice délocalisé au parc Chanot à Marseille. Les implants ne semblent plus faire recette et l’enceinte judiciaire hors normes est quasiment vide depuis l’entrée en scène des avocats des 6.015 victimes constituées partie civile.
    « Vous avez condamné ces femmes à vivre avec de l’huile de moteur dans leur poitrine ! », s’exclame un avocat qui se croit aux assises. « Les prévenus, je les méprise et je les oublie tout de suite pour me consacrer à mes victimes ! », claque sa consoeur venue de Grasse décrire et chiffrer la souffrance de plusieurs clientes. « Vous avez tous fait le choix de tromper ces milliers de femmes. PIP a été une usine à empoisonner ! », s’étrangle d’émotion une jeune avocate qui ne veut rien entendre aux rapports d’expertises anglais et français qui n’ont pas démontré la nocivité des prothèses pré-remplies par la firme varoise d’un gel maison non homologué. « Jean-Claude Mas, c’est le Docteur Maure des prothèses mammaires ! Il savait très bien que son gel contenait des produits dangereux. Il a pesé le risque et sacrifié ses victimes sur l’autel du fric », s’exclame sur grand écran Me Florence Sultan du barreau de Toulon. Elle réclame 15.000 euros de préjudice moral et 6.000 euros pour le préjudice corporel dont on sait déjà qu’il ne pourra être indemnisé à l’issue de ce procès pour « tromperie aggravée et escroquerie » mais plus tard dans le volet « blessures et homicide involontaires ».

« C’est la banalité de l’asservissement à la loi du profit »

    L’imprécation et l’opprobre sont le combustible commun à nombre d’avocats - et ils sont 300 dans ce grand exutoire - qui passent et repassent les prévenus aux lance-flammes. « Toute cette toile de tromperie et de lâcheté qui s’est tissée sur l’appât du gain et sur la crédulité de femmes qui venaient les voir pour se reconstruire ! On ne retrouve ici que quelques trublions rigolards et pathétiques ! Que sont devenus tous les bénéfices ?! On s’en est mis plein les poches ! C’est la banalité du mal, de l’asservissement à la loi du profit et à sa hiérarchie. Et à tous ces beaufs et blogueurs bien pensants qui disent qu’elles l’ont bien cherché, je veux dire que ce sont des femmes qui cherchent une autre dignité dans cette société du regard », s’énerve mais vraiment Me Sabine Vialle pour sa cliente explantée d’une prothèse rompue en 2011 et qui demande 100.000 euros de préjudice d’anxiété.
    Chaque victime a sa propre histoire. Celle de Sylvia, niçoise de 42 ans, rapportée par Me Nathalie Ruiz capte l’attention. Implantée après une grossesse, son chirurgien tarde à diagnostiquer une rupture de la prothèse gauche. Plusieurs interventions plus tard, son buste est difforme et elle a des siliconomes dans le dos. La dépression s’installe devant ce corps qu’elle ne supporte plus. Puis une phobie sociale avec séjours psychiatriques. « Quand une femme a un haut du corps comme cela, elle ne plait à personne », souligne l’avocate, la toute première à demander réparation du préjudice sexuel à hauteur de 12.000 euros, en sus du préjudice moral estimé à 30.000 euros. « Elle s’était adressée en confiance à un professionnel qui lui a vanté les mérites des prothèses PIP. Ce n’était quand même pas à elle de vérifier leur qualité alors qu’on nous parle de normes européennes ! », concluait-elle à raison.
    L’intervention du Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique venu réclamer l’euro symbolique à chacun des prévenus, n’en était que plus attendue. « 77,9% des personnes interrogées ne font pas confiance en la chirurgie esthétique alors que nous sommes la spécialité la plus sécurisée. Nous sommes pas dans le procès d’une filière mais dans celui d’une entreprise qui a violé les règles », souligne Me Luc Castagnet qui justifie la sous-déclaration par les praticiens des ruptures de prothèses  par le fait qu’il s’agit d’« accident » et non de « dysfonctionnement ». « Les chirurgiens ne touchent rien sur les ventes. La trahison est venue d’une petite PME française qui magouille et trifouille pour des économies de bouts de chandelle ! PIP, tout le monde y a cru ! »
David COQUILLE

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