4 ans de prison ferme requis contre Jean-Claude
Mas, « apprenti sorcier des prothèses » et « pierre angulaire d’une
fraude massive »
A l’issue de quatre heures de réquisitoire à deux tons, des peines
dosées de prison ferme ont été requises à l’encontre des cinq dirigeants
de la société Poly Implant Prothèses. « Il faut que vous réfléchissiez
dans une cellule à cette triste odyssée commerciale », a lancé le
procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest en demandant 4
ans de prison ferme et 100.000 euros d’amende pour Jean-Claude Mas, 72
ans, « l’instigateur parfait » de cette vaste tromperie aggravée doublée
d’escroquerie qui a prospéré entre 2001 et mars 2010 à travers 71 pays
et pour laquelle 7.445 porteuses d’implants PIP se sont constituées
parties civiles.
De décrire le septuagénaire comme « le formulateur fou, le créateur
d’un produit inacceptable, l’apprenti sorcier des prothèses,
l’alchimiste sourd aux conséquences, cynique vis à vis des porteuses. »
Celui qui « dosait à la louche » son gel empirique fait d’huile
industrielle pour sortir 130.000 prothèses par an de son usine, n’était
même pas un scientifique : « Comme ceux qui cherchent l’oeuvre parfaite,
la pierre philosophale, lui il attend toute sa vie le gel parfait. »
« Un monstre silencieux qui a dévoré tant de femmes »
4 ans dont 2 avec sursis et 50.000 euros d’amende sont requis à
l’encontre du président du directoire, Claude Couty, « financier faible
et complaisant, exécuteur des basses oeuvres sans lequel cette
machinerie n’aurait pu se terminer dans le désastre. » Pour ce duo, la
même interdiction définitive d’exercer dans le secteur sanitaire et
médical et celle de gérer à tout jamais une entreprise.
Ce « scandale planétaire » sur des implants au « potentiel de danger
majeur », le vice-procureur Ludovic Leclerc le résumait avec brio : «
On a là un système de fraude massif au préjudice de milliers de femmes,
une tromperie comme on en a rarement vu, tout ça pour permettre à une
société de vivre, à des salariés de toucher leur paye, à un retraité de
toucher ses jetons de présence.» D’une formule, il résume l’équation
frauduleuse : « Les bénéfices c’est pour la société, les risques, c’est
pour les patients. Voilà comment fonctionnait PIP. » Au final, «
l’histoire du gel de M. Mas, c’est celle d’un monstre silencieux qui a
dévoré l’intérieur de tant de femmes dans le monde. C’est l’histoire
d’un homme qui s’est tellement identifié à son gel que reconnaître que
son gel est moins que rien serait une forme d’auto-destruction.»
Ce scandale ne lasse pas d’interroger : « Comment une société aussi
régulée a laissé grandir ce type de fraude ? Comment des prévenus qui
ont un parcours de vie banal, qui n’avaient pas vocation à s’inscrire
dans la délinquance, par des renoncements, des arrangements avec leur
conscience ont accepté l’inacceptable ? » Au premier rang des complices,
Hannelore Font : 3 ans dont 1 avec sursis visent la singulière
directrice de la qualité qui « incarne à ce point la fraude », celle qui
a « allumé la mèche lente qui allait exploser chez les porteuses. » 3
ans dont 18 mois avec sursis sont demandés contre Loïc Gossart, « le
fabricant aux regrets tardifs. » « Mais enfin, il y a des femmes au bout
de a chaîne de production ! » lui assène le procureur. 2 ans dont 18
mois avec sursis sont requis contre le directeur de la recherche de la
société de la Seyne -sur-Mer, Thierry Brinon, un « technicien aveugle et
muet » qui s’est « voilé la face en se tenant à distance de la salle
blanche où l’on fabriquait ce mélange infernal ». Le trio se voit aussi
réclamer l’interdiction définitive d’exercer dans ce secteur.
Le parquet a demandé au tribunal de rejeter la constitution de
partie civile de l’ex-Afssaps, victime à ses yeux d’un simple préjudice
d’image. Le procès débuté le 17 avril se poursuit avec les plaidoiries
de la défense jusqu’à vendredi. « Votre décision est attendue. Elle fera
date » a souligné le parquet.
David COQUILLE
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