lundi 13 mai 2013

Tüv : « Nous n’avions aucune chance de découvrir la fraude »

Le certificateur allemand des prothèses mammaires PIP viciées se défausse avec l’ex-AFSSAPS sur les lacunes de la directive européenne.


8 mai 2013. Vraies victimes de la fraude aux implants mammaires PIP ou posture stratégique pour échapper aux conséquences financières de négligences réelles ou supposées ? Leurs constitutions de partie civile ont paru si contestées par les milliers de femmes porteuses d’implants viciés que l’Agence nationale pour la sécurité du médicament (ANSM) et Tüv Rheinland, le certificateur allemand des prothèses PIP, ont du longuement justifier hier leur présence sur le banc des victimes.
    Dans une plaidoirie habile et bien servie, Me Olivier Gutkès a défendu bec et ongles l’organisme allemand synonyme outre-Rhin de confiance absolue. « Tüv n’a jamais été négligent car il a suivi la réglementation européenne » dont la Commission européenne - souligine-t-il - a reconnu les « lacunes et carences ». A ses yeux, « les audits peuvent être impuissants face à une fraude organisée » car « on n’est pas dans une logique de répression des fraudes. On n’a pas de pouvoir de police. On n’est pas des gendarmes ! » Et si la directive européenne ne prévoit toujours pas de contrôles inopinés mais des audits claironnés à l’avance, « c’est pour faire en sorte que le jour de l’audit les chefs de service soient présents, la documentation technique disponible et la chaîne de production active. »
    Bref, si la fraude au gel non conforme a pu perdurer de 2001 à mars 2010, c’est uniquement selon lui en raison du « degré stupéfiant d’organisation de cette fraude » :  « Nos auditeurs étaient parfaitement spécialisés. Ce n’était pas des auditeurs en grille pain ! Mais ils n’avaient aucune chance de découvrir la fraude. » Les prévenus ne faisaient-ils pas « disparaître toutes les traces matérielles, écrites, informatiques sur toute l’année et pas la veille de l’audit et fait respecter une omerta » ? De pointer Hannelore Font, la directrice qualité qui « incarne le visage de cette escroquerie », Loïc Gossard, le directeur de fabrication qui faisait disparaître le gel non homologué avant chaque audit, Thierry Brinon, le directeur de la RD qui « a remis un dossier de conception qu’il savait être fictif », Claude Couty le DG qui « a une calculette en guise de conscience morale pour équilibrer ses bilans », et bien sûr  Jean-Claude Mas, « parrain dans un système mafieux. » De conclure : « Tüv n’est pas responsable. Tüv est solvable mais n’entend pas être le fonds d’indemnisation des victimes dans ce dossier. »

« Nous intervenons en deuxième rang »

    Stratégie identique de l’ANSM, l’agence française qui dit « comprendre et compatir avec toutes ces femmes » mais borne son rôle : « Nous intervenons en deuxième rang, en surveillant par le biais de la matériau-vigilance », glisse  vite fait Me Nathalie Schmelck qui préfère dénoncer « certains avocats qui ne cherchent ni un responsable ni un coupable mais un solvable. » Si des signalements sont parvenus à l’agence, « pas une seule fois, les lettres PIP n’apparaissent dans les courriels du Dr Marinetti.» Et aucune des photos dans la lettre de dénonciation « ne permettait de dire que les prothèses étaient constituées d’autre chose que du gel Nusil. » L’absence de contrôles inopinés ? « Il est d’usage quand on ne présume pas qu’il y a une fraude de prévenir pour être sûr de rencontrer ses interlocuteurs. » Reste alors « M. Mas, c’est l’instigateur, le dictateur et il l’est tellement qu’il n’a même plus besoin de réitérer ses ordres car depuis dix ans tout le monde sait ce qu’il a à faire. » Réquisitoire le 14 mai.
David COQUILLE

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