lundi 25 mars 2013

Turbine en marche au clair de lune

24 prévenus au procès d'un vaste trafic international de stupéfiants.

Vingt-quatre prévenus d’un vaste trafic international de résine de cannabis et de cocaïne entre le Maroc et la France, via l’Espagne dont 7 écroués, comparaissent pour trois semaines devant la JIRS de Marseille. Le dossier mêlent la mafia du Rif marocain, le milieu marseillais et des figures niçoises. Parmi les prévenus, Francis Castola, 37 ans, un membre du grand banditisme corse mais aussi Domenico Marasco, 75 ans, décrit comme le fondé du pouvoir de la mafia calabraise, la N’Drangheta, sur la Côte d’Azur, ou encore le franco-marocain Anas Tadini, joueur de poker de rang international.
Vecteur singulier du trafic, un hélicoptère, le même Écureuil immatriculé F-GKMR dans les soutes duquel 560 kilos de cannabis avaient été saisis le 22 juin 2008, convoyés par l’ancien président de la chambre de commerce et d’industrie d’Ajaccio. Gilbert Casanova avait été condamné à 8 ans de prison en décembre 2010 devant ce même tribunal. Dans le nouveau dossier, la carlingue jadis jaune a simplement été repeinte en noir !

« C’est un courtier en matières stupéfiantes »
Au départ en 2008, un tuyau parvenu aux policiers sur Thierry Derlan, un braqueur proche du gang de la «brise de mer», sorti de prison mais dont tout laissait à penser qu’il s’était mis dans les stups, opérant à partir de Marbella en Espagne. Derlan qui sera abattu à Nice le 25 mai 2010 s’était fait connaître à l’occasion de deux évasions rocambolesques : en 1994 en explosant le mur de la maison d’arrêt de Nice puis le 26 juin 1999. en quittant les Baumettes suspendu au filin d’un hélicoptère.
Selon l’accusation, Derlan gérait en maître les remontées de stupéfiants vers la Côte d’Azur. Il projetait de devenir agent de joueur et avait repris les rennes du trafic tenu depuis l’Espagne par Eric Berthuy alias « la tortue » assassiné à Marbella le 15 décembre 2009. Derlan était en contact avec Diègue Campo, un Cannois positionné dans le trafic comme un « super VRP » traçant entre la France-Espagne avec des «go-fast» aux caches sophistiquées. « On vous a écouté sur 18 lignes téléphoniques différentes ! », lui a lancé hier la présidente, Emmanuelle Bessone lui lance. De lui rappeler une conversation rigolote à propos des obsèques de Bertuy qu’il organise : « On pourrait pas trouver une tortue en marbre avec un truc au milieu pour y mettre les fleurs ? » « Vous n’êtes pas la colonne vertébrale de ce dossier mais vous en êtes un fil conducteur », le positionne la magistrate. « C’est un courtier en matières stupéfiantes comme d’autres le sont en vin ou en titre », a dit de lui le juge d’instruction Philippe Dorcet. Campo est même sollicité par les Calabrais pour trouver une solution de rapatriement de deux tonnes de cocaïne bloquées en Mauritanie.

La « drop zone » pour charger 450 kilos dans 15 ballots


L’incontournable du dossier, Christophe Sormani, le pilote de l’hélicoptère loué dans le Nord Pas-de-Calais. Après deux rotations de 450 kilos de résine classée «semi-sum» pour le compte du marseillais Lahouari Restani, il se met au service des Français de Marbella, moyennant 50.000 euros par opération. Le 23 juillet, il décolle de Mandelieu, bidonne son plan de vol et gagne par petits bonds la ville de Jerez de la Frontera près de Cadix où un contact lui confie le point GPS de la « drop zone » de chargement : une ferme près de Tanger qu’il atteint en 45 minutes de nuit en rasant la surface de la Méditerranée pour déjouer les radars espagnols. « Une nuée de gars sont arrivés et ont chargé les 15 ballots de résine de cannabis dans la machine que je tenais turbine en marche en moins de cinq minutes. Nous avons fait le trajet retour avec Ludo toujours à 50 mètres d’altitude sur le détroit de Gibraltar. Il faisait tellement beau avec le clair de lune que je suis descendu même plus bas. Ludo s’exclamait qu’il allait toucher l’eau avec sa main », relate Sormani en garde-à-vue.

Entre ses baptêmes de l’air offert aux filles du Madam’s et son portable dédié pour les appels à son marabout, son sens de la fantaisie et de l’aventure risque de ne pas être du goût des magistrats de la JIRS.
David COQUILLE


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