dimanche 24 mars 2013

Huis clos au procès des sous-mariniers

Les clés USB contiennent les données de navigation et les routes empruntées par le sous-marin nucléaire d'attaque Améthyste lors de sa dernière mission Agapanthe dans l'Océan Indien. Procès du 18 mars 2012 devant la chambre militaire du tribunal correctionnel de Marseille.

L'Améthyste est un sous-marin nucléaire d'attaque qui a pour mission d'escorter le porte-avions Charles-de-Gaulle
Sous couvert de sécurité nationale, la chambre militaire du tribunal correctionnel de Marseille tend vers une justice secrète, opaque. Trois marins toulonnais du sous-marin nucléaire d’attaque « Améthyste » ont été jugés, lundi, à huis clos et condamnés à la suite du vol en 2011 de supports informatiques classifiés. Deux enseignes de vaisseau ont écopé d’une amende de 500 euros pour violation de consigne et un quartier-maître accusé de « soustraction de secret de défense » a écopé d’un mois de prison avec sursis. Les peines ne seront pas inscrites à leur casier. En janvier 2012, le parquet militaire de Marseille avait déjà fait baisser le rideau sur le procès d’un accident de transport de missiles nucléaires à Istres. Toujours moins pour protéger des secrets que pour taire les dysfonctionnements.

 Tout part du cambriolage un week-end fin mai 2011 de 15 boxes en sous-sol d’une résidence à la Seyne-sur-Mer où vit Thomas, 27 ans, timonier de l’équipage rouge du sous-marin chargé de protéger le porte-avions Charles-de-Gaulle. Deux clés USB lui sont dérobées qui n’auraient jamais dû sortir du coffre de la base. Il les avait posées la veille sur une étagère près de son baluchon en vue du passage de relais avec l’équipage bleu. C’est une catastrophe pour l’ingénieur irréprochable qui lundi, se tenait livide, dans sa tenue de marin décoré de trois médailles signalant ses brillants états de service.

Des heures de plongée aux immersions limites
Le garçon a pour mission de préparer la route du sous-marin à propulsion nucléaire. Préparation énorme, tâche intense, solitaire, il avait ramené du travail chez lui. « D’ordinaire je fais très attention car je sais que j’utilise des données très importantes », a-t-il expliqué aux gendarmes maritimes. Leurs informations croisées avec celles du Renseignement intérieur et de la Sécurité militaire ont révélé un gros laxisme au sein du service Navigation. Thomas n’aurait jamais du être en possession d’une clé «Confidentiel défense» réservée aux seuls officiers habilités et qui disposent d’un coffre fort sur la base. « Mais pour bien faire son travail, il était obligé d’utiliser cette clé », a expliqué Jaques le chef du service Navigation du sous-marin. Sa faute à lui, c’est d’avoir prêté à son timonier une clé dont il ignorait en plus qu’elle appartenait au chef de la « Détection » : Jean-Pierre avait égarée la sienne et n’avait pas osé déclarer sa perte... Si la première était « a priori vide », pas l’autre à «Diffusion restreinte» que Thomas avait régulièrement obtenue mais sur laquelle il avait fort imprudemment stocké des données sensibles : les routes empruntées par le sous-marin rentré de sa mission «Agapanthe» en février 2011 et que Thomas devait remettre au sous-marin La Perle, de relève dans l’Océan indien.



« Sa hiérarchie ne lui attribue aucun support adapté »
Ainsi une clé ordinaire en plastique bleu translucide de 2Go a pu être dérobée, contenant les zonages et limites de danger de l’Améthyste, ses heures de plongées, d’immersions limites durant la traversée du Canal de Suez, du Détroit d’Ormuz, sa navigation en Mer Rouge, dans le Golf de Suez, sa position à Abu Dhabi et à Djibouti... Si ces données compressées ne sont exploitables que par le logiciel «SERIN» d’aide à la navigation de la Marine nationale, des « commentaires et annotations sont consultables », a indiqué la Direction inter-armées des réseaux d’infrastructures et des systèmes d’information du ministère de la défense.
Au vu du « comportement désinvolte » des militaires en cause, de la « sensibilité des informations », de « la gravité des imprudences et négligences commises », le ministre de la défense avait jugé « difficile de laisser ces faits sans réponses pénales ». Le ministère avait toutefois estimé « nécessaire de nuancer la faute » du timonier « en précisant qu’il travaille exclusivement avec des documents classifiés et que sa hiérarchie ne lui attribue aucun support de stockage adapté, de part son statut de militaire du rang, ce qui ne lui permet pas de travailler en respect des règles du secret défense.»
David COQUILLE

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