vendredi 26 avril 2013

Les excuses de Mas, l’angoisse des victimes

6.012 femmes sont constituées parties civiles au procès de Marseille pour demander réparation de la tromperie.

27 avril 2013. Jean-Claude Mas n’est pas compatissant mais au fil du procès, il doit penser que ses excuses non homologuées pourraient comme son gel à l’huile industrielle, être homologuables. « Je demande pardon aux patientes pour la tromperie faite par PIP. J’espère que la nature des débats sera de nature à les réconforter, cela devrait bien les soulager », a poussé le septuagénaire qui encourt 5 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende. Il nie l’escroquerie, reconnaît la tromperie sans la circonstance aggravante de l’exposition au danger.
Après huit journées complètes d’instruction du dossier, les positions des autres prévenus n’ont pas changé. Hannelore Font, directrice qualité, reconnaît avoir su l’existence du gel frauduleux mais pas son caractère dangereux. Pareil pour Loïc Gossart, directeur de la production, qui se dit responsable moralement mais pas pénalement. Claude Couty, le DG, « assume » mais qu’à compter de 2009 quand il s’est « posé des questions sur la dangerosité ». Thierry Brinon, son directeur R&D, se couvre, nie tout même la dangerosité qu’il pointait pourtant jadis. Hier, il a ironisé dans un long couplet sur les absents : « Les bâtisseurs de la fraude en 2001 sont absents de ce procès. Je n’accepte pas le concept de « démission blanchissante » surtout quand cela se termine par une transaction. J’ai essayé d’utiliser tous les moyens dont je disposais. Mon prédécesseur vertueux qui passe pour un héros n’a rien fait et a laissé perdurer. Ceux qui sont partis, ils n’ont rien fait après alors qu’ils n’avaient plus de lien contractuel. »
Sur la question de la dangerosité des implants PIP, un rapport officiel anglais de juin 2012 rejoint les conclusions de l’ANSM en France : « Les implants PIP sont clairement de qualité inférieure bien qu’il n’existe aucune preuve d’augmentation significative du risque de problèmes cliniques en l’absence de rupture », résume le National Health Service et ils ne « sont pas associés à un risque accru de cancer du sein ou d’autres formes de cancer par rapport aux autres implants mammaires ».

« La confiance dans le corps médical, pour moi c’est terminé »
C’est bien l’angoisse majeure exprimée à Marseille par nombre de victimes, outre les souffrances physiques et morales endurées par les opérations d’explantation recommandées par les autorités de santé de nombreux pays. Elles sont précisément 6012 à s’être constituées parties pour demander réparation de cette tromperie à grande échelle.
« Ils m’ont fait vivre un enfer. On m’a pris mon entreprise. Ils ont ruiné ma vie. S’ils mangent leur pain noir aujourd’hui, moi c’est de la vache enragée que je mange chaque jour », a lancé hier Christine aux prévenus. Sandrine « Vous dites qu’on se plaignait pour du fric mais ce sont vous M. Mas et vos acolytes qui ont agi pour le fric, pour vos salaires confortables ! », a crié Sandrine.
« J’attends justice. C’est la seule chose qui nous reste. Que ce procès serve d’exemple dans ce pays où l’on fait du profit sur la santé », s’est indignée Julia pour qui « la confiance dans le corps médical, pour moi c’est terminé. » Après une reconstruction difficile suite à un cancer du sein mal diagnostiqué au départ, elle reçoit une lettre de l’Institut Curie la prévenant qu’elle porte un implant PIP. « La terre s’est mise à trembler. Cette lettre, c’était une agression. J’ai eu une colère à avoir envie d’ouvrir les fenêtres et de crier. Mais vers qui je me retourne ?! Où est le corps médical ?! » L’avocate de l’Institut Curie constitué partie civile a alors pris la parole : « L’Institut Curie a placé 573 prothèses PIP. Nous avons envoyé cette lettre préventivement à nos patientes avant la médiatisation. Nous sommes votre agresseur et nous en sommes désolés. » Le procès reprend lundi avec les plaidoiries des parties civiles.
David COQUILLE

« Vous avez pleuré sur vous, pas sur nous ! »

Témoignages dignes et bouleversants de femmes victimes qui dénoncent le déni de réalité de Mas

26 avril 2013. Le temps des victimes, de leurs questions, de leurs peurs et de leur colère aussi. Après l’âpreté de débats souvent pointilleux, le procès du fabricant PiP de prothèses mammaires viciés et de quatre cadres a donné la parole aux parties civiles. Une tribune grand écran pour des suppliciées bouleversante dont la part de vérité s’est déversée comme de la chaux sur les prévenus.
« On m’avait dit que c’était la Rolls de la prothèse », raconte Christine qui après un cancer voulait « réparer quelque peu ce qui avait été endommagé. » Quatre opérations déjà quand éclate l’affaire PiP. « Le chirurgien me dit qu’il faut l’enlever. Pour moi c’était de l’ordre de l’agression. Mes proches m’ont supplié d’y retourner. Des chirurgiens me disaient «j’en ai posé des PiP et alors ?!» Son récit se tourne alors vers les prévenus. « Il y avait des verrous contre ce Geo Trouvetou et ces professeurs Tournesol et ils ont tous sauté ! Le premier verrou, c’était Hannelaure Font. Qu’on ne me dise pas quand on est directrice qualité qu’on a du accepter sous la contrainte ! Le deuxième verrou, c’était les organismes de certification. Et là j’ai pas le syndrome de l’anxiété mais de la perte de confiance totale. Le troisième verrou, c’était l’ANSM et ses explications sont indécentes. Je n’ai pas de haine mais du mépris », conclut Christine.
Elle est toute menue, toute émue, tassée face au micro pour parler des « mutilations » qu’elle a endurées. Valérie avait gardé huit ans cette prothèse qui « m’a rendu ma féminité » « J’aimerais tellement laisser ici ce qui est rentré dans mon corps. » Cette huile dans mon corps qu’est-ce qu’elle devient ? Elle se diffuse partout avec quel effet ? C’est là la source de mes incertitudes et de mes questions », lui succède Christine qui après avoir perdu un sein en 2002, avait accepté une prothèse pour « retrouver un volume, permettre à mon compagnon de se remplir les mains ». Arrive mars 2010, « l’annonce de la fuite intempestive de cette prothèse » suivie d’un ganglion cancéreux. « Là je n’avais pas autant envie de me battre... » Les mots lui brûlent les lèvres. Il faut encore parler. « Dans cette histoire, je ne peux m’empêcher ayant été enseignante de m’interroger sur le type de société qu’on veut promouvoir. Ce n’est pas criminel que l’on veuille de l’argent mais quand ça devient supérieur à la vie des personnes. Qu’on ne traite pas les personnes comme un moyen mais comme une fin ! »

« Toutes ces souffrances dues à une tromperie »
Discrète entre toutes, Karine, sourde et muette qu’une interprète seconde de ses mains. « J’arrivais pas à avoir d’informations, c’était encore plus difficile avec ma situation de surdité, une sorte de double angoisse. »
Katia, elle, est « venue témoigner par délégation du cas de ma soeur». Les pleins pouvoirs pour Edwige décédée d’un cancer en 2011. Edwige, c’est l’autre volet «homicide involontaire» toujours à l’instruction. « Toutes ces souffrances dues à une tromperie qui a amené à 5000 victimes, des femmes toute troublées et qui ont toute peur que la finalité soit pour elles, la même qu’Edwige. »
Un cri vient d’Espagne. Patrizia, le roulé des «R» et la légèreté de Victoria Abril. « Pourquoi il continue le procès madame la juge ? Y a pas assez de preuves ?! Et mon chirurgien qui voulait porter plainte contre moi ?! Allez je m’arrête, c’est mieux. » Rires dans la salle. Autre cri mais de colère celui-là : « Vous êtes tous responsables et coupables du mal que vous nous avez imposés ! Mademoiselle Font, vous avez pleuré sur vous, pas sur nous ! Monsieur Brinon, comment pouvez-vous regarder votre mère dans les yeux ?! Vous ne fabriquiez pas des bibelots mais des prothèses pour des corps de femmes. Cette culture d’entreprise basée sur le mensonge est insupportable. Vous nous avez oubliées ! », jette Joëlle, explantée « le jour de mes trente ans de mariage ». Ginette, Karine, toutes dignes et belles comme Rachel qui tremble et hoquète : « C’était juste pour remonter ma poitrine, j’avais eu trois enfants. » Bruits de mouchoir.
David COQUILLE
Les débats du procès en direct sur www.lamarseillaise.fr.

J.C Mas, des excuses bidon comme son gel

Le fabricant d’implants viciés s’excuse du bout des lèvres puis clame : « mon gel, c’est le meilleur ! »

25 avril 2013. Accusé de tromperie aggravée et d’escroquerie, Jean-Claude Mas, le fabriquant d’implants mammaires remplis d’un gel à l’huile industriel bon marché et non déclaré, a pour la première fois, esquissé des excuses hier aux victimes. Des excuses du bout des lèvres et formulée comme son gel, sans grande cohésivité ! Pour la sincérité, chacun appréciera : « Je reconnais la fraude », acquiesce-t-il d’abord à la présidente, Claude Vieillard. « J’ai trompé les chirurgiens c’est évident. Je l’ai écrit dans une lettre à l’Afssaps et j’ai demandé aux patientes d’excuser PIP et son fondateur. » Voilà c’est dit qu’il s’était déjà excusé... Et sur la dangerosité de son gel au siloprene U65 moins destiné à gonfler des faux seins qu’à imperméabiliser les composants électroniques ? « De peur de me tromper, je préfère me taire », lance-t-il, finaud, à l’avocat de Tüv le certificateur qu’il sèche encore en demandant du temps avant de répondre s’il reconnaît ou pas l’escroquerie par dissimulation de son gel lors des audits. Comprenez : « Je veux réfléchir aux conséquences de mes réponses... » « Vous avez eu trois ans pour y réfléchir ! », cingle Me Olivier Gutkès.

« Peut-être suis-je un perfectionniste ! »
Finalement comme ça le démange Jean-Claude Mas se lance dans la zone rouge : « La dangerosité n’existe que dans le cerveau des journalistes et peut-être de certains cadres. S’il avait été dangereux, on le saurait depuis 20 ans ! », proclame celui qui regarde toujours son gel « comme le meilleur ». « Vous avez entendu les victimes ? », tente le procureur Ludovic Leclerc « Je pense à elles. Mais y a pas que PIP dans le monde. Tous les fabricants ont des problèmes. Rien n’est implantable, c’est un dogme. Par contre le corps tolère le silicone. » De se lancer dans une démonstration qu’il conclut d’un : « Cela répond un peu à votre dangerosité ? »
« Si votre gel était si bon que ça, pourquoi y avoir apporté toutes ces modifications ? » bondit la présidente qui s’entend répondre : « Peut-être suis-je un perfectionniste ! » - « Pourquoi avoir indemnisé des patientes si votre gel était si parfait ? » - « C’est normal la garantie. (son portable sonne de nouveau ) Ah mais c’est pas vrai ! » De poursuivre comme s’il parlait de pneus de voiture à remplacer : « Le corps d’une patiente change dans le temps. Si les prothèses sont rompues et qu’elle avait du 190 centimètres cubes, 10 ans après on change le volume, on lui met du 210 centimètres cubes sinon ça tombe, ça va pas. »

« C’est pas parce qu’on reste qu’on cautionne »
A l’opposé de la déposition digne et humaine d’un témoin le matin. Alban, 39 ans, était directeur technique chez PIP jusqu’en 2006. Il était opposé au gel PIP. « Loïc Gossart et Hannelore Font se sont battus avec moi pour la réintroduction du gel Nusil. Claude Couty nous comprenait. N’y parvenant pas, il part. « C’est simplement un problème de morale et d’honnêteté qui vous fait dire que vous ne pouvez pas utiliser ce gel. Je ne suis pas un carriériste dans l’âme. » Mas avait refusé sa démission. « M. Mas me disait que je me retrouverai à vendre des pizzas dans un camion. Quand vous avez un problème de conscience, soit vous partez soit vous cherchez à modifier les choses. Et c’est pas parce qu’on reste qu’on cautionne. C’est un problème de conscience personnel et ça devient dur de dénoncer son employeur. On ne dénonce pas parce que c’est votre employeur et que 100 personnes bossent et leur famille derrière. » Alban parle, un flot libérateur, calme et posé. « Ce ne sont pas des décisions faciles à prendre, il y a le chômage. Les personnels se font bouffer de l’intérieur avec leurs problèmes de conscience. Moi, j’étais à bout de souffle mais ma décision était prise et rien ne pouvait la changer. »
David Coquille
Les débats du procès en direct sur www.lamarseillaise.fr.

mardi 23 avril 2013

« C’était bien dissimulé, une belle organisation »

Deux inspecteurs de l’Afssaps racontent la découverte du gel frauduleux et renvoient la balle sur le certificateur Tüv

Au procès du scandale des implants mammaires PIP remplis de gel industriel, l’Agence française de surveillance du médicament s’est retrouvée hier sur le grill aux côtés de Tüv Friedland, le certificateur allemand pourtant constituée partie civile. Ont-ils tardé et manqué à leur devoir de vigilance ?




    « On ne va pas non plus faire le travail des organismes certificateurs. On intervient en second niveau. Avec 6 inspecteurs pour contrôler des milliers de dispositifs médicaux, clairement on se base sur des campagnes d’inspections ciblées », n’a pas manqué de rappeler Jean-Christophe Born, l’inspecteur de l’ex-Afssaps lors de son audition. Lui et son collègue Thierry Sirdey vont découvrir la fraude quand le 1er mars 2010, ils sont alertés d’une montée de ruptures des implants. Lors d’une réunion à Paris le 19 décembre 2009, trois cadres de PIP avaient livré des explications cohérentes.   
    Les 16 et 17 mars 2010, les deux inspecteurs descendent à La Seyne-sur-Mer tout inspecter. « J’étais parti sans suspicion de fraudes », dit-il. Le premier jour, ils visitent les locaux de production très bien tenus, lisent la documentation. Puis, M. Born a une intuition en se souvenant avoir discuté la veille avec son collègue de photos de fûts étranges stockés prises à l’extérieur de l’usine et envoyées le 30 novembre 2009 par un mystérieux « praticien expert ».

« Avec 9 tonnes, cela aurait fait du 9 kilos par implant ! »

Le second jour, il veut alors voir ces fûts. « On s’est rapproché des clôtures et on a vu sur les étiquettes le nom Silop. » C’est une huile non médicale utilisée pour imperméabiliser les plaques de composants électroniques... « On a commencé à s’inquiéter. Je suis allé vers les fûts. Les étiquettes avaient disparu. J’ai demandé qu’on nous tire les fûts. Le magasinier ne voulait pas. Et là on a retrouvé les étiquettes des matières premières. » L’inspecteur interroge. « On ne nous répondait pas. Ce qui m’a beaucoup surpris c’est que le directeur de production ne sache pas. Je m’inquiétais, je demandais dans les étages des explications. Jean-Claude Mas ne s’en souvenait plus. Il disait qu’il avait fait de la recherche avec. Le directeur du développement me disait que cela avait servi à faire 1000 échantillons, mais je voyais qu’avec 9 tonnes, cela aurait fait du 9 kilos par implant ! » Ainsi démarre le scandale qui va vite s’internationaliser. « Oui, c’était bien dissimulé et sans la photo c’était bien difficile mettre le doigt dessus. Là où il faut une belle organisation pour ne pas montrer la moindre trace des produits, c’est pour les audits.»
    « Il est clair que le gel n’était pas approprié au comportement d’une prothèse et dans le temps n’était pas viable. Aujourd’hui, on attend d’une prothèse qu’elle dure 10 à 15 ans », témoigne Thierry Sirdey, l’inspecteur évaluateur. Avec les prothèses PIP, le risque de rupture avant 5 ans est 30% supérieur aux autres marques et « oblige à des ré-implantations prématurées ». « C’est là où réside le risque en terme de santé publique ». Sur la dangerosité intrinsèque, « il n’a pas été démontré de cytotoxicité ni de génotoxicité », le gel qui transsude sur les tissus humains serait juste irritant. Quant à Tüv qui certifiait les implants, sa position ne varie pas : « Nous avons été trompés par la société PIP qui pratiquait une fraude de grande ampleur. Nous ne sommes pas des inspecteurs ni des policiers. Nous ne recherchons pas les fraudes de manière active. »
David COQUILLE

« Je ne le faisais pas de gaieté de coeur »

Des salariés qui savaient et une agence de surveillance restée sourde aux signaux d’alerte.
Des salariés qui savaient mais ont laissé faire, une agence de surveillance qui a compris mais trop tard. Au procès PIP, la vérité brille de toutes ces facettes. L’ex-directeur de l’évaluation de plusieurs dizaines de milliers de dispositifs médicaux de l’Agence nationale de surveillance du médicament, ex-Afssaps, est venu dire hier au 5ème jour du procès à Marseille que « la responsabilité de la surveillance du fabricant de prothèses » incombait au « premier niveau » à l’organisme certificateur, Tüv Friedland, bornant le rôle de l’ANSM « en second niveau » à de la collecte de données d’alertes de pharmaco-vigilance.
    « Ce système réglementaire a des limites », a bien été obligé de reconnaître Jean-Claude Ghislain  qui reçoit 12.000 signalements chaque année. Ainsi les rapports d’audit de Tüv, le certificateur allemand des implants PIP ne lui étaient communiqués. « Cela reste un problème général d’opacité du système. On peut en tant que de besoin réaliser des contrôles de second niveau qui viennent après ceux des organismes certificateurs. » De pointer aussi la carence des chirurgiens qui respectent peu l’obligation de déclarer les incidents. Depuis l’ANSM développe des outils d’analyse pour détecter les signaux d’alerte perdus dans le bruit de fond. « C’est typiquement la problématique sur les implants avec des incidents à bas bruit et à fréquence faible. Nous avions eu 8 signalements de chirurgiens en 2007 puis 34 en 2008. Cela a attiré notre attention. » A l’été 2009, on sait qu’il se passe quelque chose sans toutefois identifier l’origine des ruptures précoces d’implants. Les responsables de la société PIP répondaient que leur process de fabrication n’avait pas changé. Une fois le retrait des prothèses du marché le 30 mars 2010, l’Afssaps reçoit 4.000 déclarations rétrospectives d’explantations pour des ruptures d’implants ! « C’est dramatique pour nous de constater que si nous avions eu en temps et en heure ces signalements des chirurgiens, nous aurions pu aller plus rapidement à la conclusion », remarque M. Ghislain. Sur la dangerosité des prothèses  au gel PIP dont 20% connaissent des anomalies avant la 6ème année, « Clairement ces implants occasionnent un danger du fait des ré-interventions mais à ce jour, les données ne permettent pas d’objectiver un surrisque de cancer. »
    Une agence parisienne aveugle, des salariés muets à la Seyne -sur-Mer. « Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas eu l’idée de dénoncer les choses. Je n’avais aucune raison de douter de la dangerosité. Le gel n’était pas déclaré mais cela ne voulait pas dire qu’il ne répondait pas aux normes. Je regrette de ne pas m’être posée de questions plus tôt », a dit Malika, l’ingénieure qui tentait d’améliorer la formule du gel  de Jean-Claude Mas. Hervé l’informaticien était chargé d’effacer avant chaque audit les traces des « fournisseurs indésirables ». Il baisse les yeux : « Je ne faisais pas la bascule de gaieté de coeur. La dénonciation, ça ne fait pas partie de mon vocabulaire. C’est vrai qu’on peut toujours être rebelle mais moi je n’ai pas refusé. » « Après chaque audit du Tüv, les services fêtaient ça en faisant un pot et ça repartait comme avant » se souvient  Valérie en charge de l’hygiène à PIP.
David COQUILLE

samedi 20 avril 2013

Implants PIP : La recette expliquée...

Face à Hannelore Font, Jacques Dallest est sorti hier de ses gongs : « Il faudra que vous nous expliquez en quoi consiste la fonction de directeur qualité ! Cela ne vous a jamais posé de problèmes de conscience que vos prothèses soient remplies avec du gel non conforme à usage non médical ? Donnez-nous une réponse ! »
En garde à vue, la jeune femme avait livré la recette de la maison PIP concoctée par Jean-Claude Mas :
« Les prothèses sont remplies de gel par l’orifice laissé. Au départ il y a une huile de silicone introduite dans l’enveloppe. Cette dernière est à nouveau passé au four et c’est à ce moment-là que le mélange se transforme en gel. L’orifice est bouché avec de la colle. Les prothèses sont désinfectées dans un bain d’eau oxygénée, rincées et emballées dans leur emballage final. Ensuite les prothèse partent au laboratoire Sterlab pour la phase de stérilisation qui se passe avec un gaz oxyde d’éthylène. L’emballage est perméable à ce gaz. La prothèse reste environ 10 jours dans leur laboratoire. La prothèse revient chez PIP. Sur le lot revenu il y a des tests par échantillon effectué par le service contrôle qualité. 5 prothèses par lot sont testées. Il s’agit d’essais mécaniques : découpage de l’enveloppe, test de pénétrabilité sur le gel de silicone. Sur les éprouvettes (morceaux de l’enveloppe) il y a un essai purement mécanique (résistance de l’enveloppe et de la zone de collage). Il y a aussi la vérification de la phase de stérilisation : on place des bandelettes contaminées dans l’emballage et on vérifie que toutes les bactéries sont mortes. Il y a aussi une vérification du taux d’oxyde d’éthylène résiduel est conforme. »
D.C.

« Tromperie oui, mais aggravée ça veut dire quoi ? »

20 avril 2013. Pour Jean-Claude Mas, cuistot des implants PIP, son gel low-cost n’était certes « pas réglementaire » mais « pas plus dangereux qu’un autre »

Son gel, c’était son bébé et Jean-Claude Mas, trois ans après l’explosion du scandale mondial qui a soufflé son usine à implants mammaires n’en démord pas : « Pendant 30 ans, on a utilisé le même gel. Il n’est pas plus dangereux qu’un autre. Il y a des tas, des tas de test de bio-compatibilité qui ont été effectué. Tous les gels sont irritants mais pas toxiques. Je n’ai jamais changé les ingrédients. » Ses remords sont pour son usine, pas sur les victimes pour lesquelles il n’aura pas un mot : « C’était la plus belle fabrique de prothèses mammaires, tout était nickel pour aller sur le marché américain quand je l’ouvre 2 janvier 1992 ! »

« J’ai été fabriqué. Je suis le grand Satan ! »
Même son gel à base d’huile industrielle à usage non médicale, et bien rien à redire, une super invention ! Que la présidente Vieilard et les parties civiles lui assènent qu’il n’a aucun diplôme de chimie ou de biologie et qu’il n’aurait jamais du cesser de vendre du vin et du saucisson sur les marchés plutôt que de se lancer dans les faux seins, il reste de marbre : « Je suis celui qui le connais le mieux ce gel de manière empirique. Le gel PIP n’était pas homologué mais il était homologuable. » A 72 ans, Jean-Claude Mas est droit dans ses bottes, le verbe haut, le ton sûr, le phrasé catégorique. « Il y a eu de la délation de je ne sais pas qui. Je n’ai aucune haine. La haine c’est un luxe que je ne peux pas me payer. » Il n’est pas celui que décrivent ces victimes. « J’ai été fabriqué. Je suis le grand Satan. » Quand la présidente, Claude Vieillard lui demande s’il reconnaît les faits, il a cette réplique magistrale. « Tromperie oui, mais le mot aggravé ça veut dire quoi ? »
La présidente : « Cela veut dire que l’aggravation résulte de ce que les faits ont eu pour conséquence de rendre l’utilisation dangereuse pour la santé des personnes en raison du risque de rupture d’implant. » Idem pour l’escroquerie sur Tüv l’organisme certificateur : « Ce sont des nuances juridiques que j’ai essayé de me faire expliquer... »
Son ex-bras droit, le financier Claude Couty, n°2 de PIP, fait aussi dans la dentelle de Calais : « J’ai permis la vente de lots non homologués mais je n’ai jamais eu conscience du danger. La dangerosité était exclue de mon esprit. Je n’ai pas eu conscience de l’importance de ce problème réglementaire.» De toute façon, Mass n’en faisait qu’à sa tête : « Il pense avoir la science infuse. Il n’accepte pas le conseil des autres. » Le procureur Dallest bondit : « Vous ne vendiez pas des savons mais des implants mammaires. Quand en 2008, vous avez connaissance d’une flambée de ruptures de ces produits vous ne vous posez pas de question sur la dangerosité du gel ? Cette non-homologation, c’est quand même la bombe à retardement dans cette entreprise ! »
Scène de repentances larmoyantes pour Hannelore Font, directrice qualité chez PIP : « Je tiens à m’excuser auprès des patientes qui ont eu à souffrir de n’avoir pas été à la hauteur. » Pour autant « le gel ne pose pas de problèmes pour la santé ». Tout pareil pour Loïc Gossart, ex-directeur de la production : « Je ne me considère pas pénalement responsable. On était 120 madame. C’était un système complet de fonctionnement de la société. Vous ne pouvez pas changer tout seul un processus qu’on vous inculque depuis des années.»
« Entre 450 et 500.000 implants frauduleux ont été vendus depuis 2001 quand j’arrive en 2006. Des gens avant moi étaient des spectateurs avisés de cette fraude. Ils n’ont même pas été entendus. Je n’avais que des pouvoirs opérationnels et pas décisionnels dans cette société », s’exonère Thierry Brinon le directeur de la production. « Hasard de la vie », il a appris avec l’affaire que sa mère atteinte d’un cancer portait un implant PIP frauduleux ! « J’ai pas démissionné car je me suis dit c’est bien de rester pour comprendre au cas où » Sa mère, elle, ne s’est pas constituée partie civile.
David COQUILLE