Délibéré du 23 juin 2014
Les quatre médecins de Clairval sont déclarés coupables mais dispense de peine à l'égard de chacun avec non mention au casier judiciaire. L'Ordre des Médecins est débouté pour défaut de démonstration d'un préjudice réel et certain.
Article du 27 mai 2014 (La Marseillaise)
Quatre médecins jugés pour exercice illégal de la... médecine.
Trois médecins étrangers ont comparu hier pour avoir effectué des gardes le week-end à l’hôpital Clairval sans y être habilités. De 3 à 5.000 euros d’amende dont partie avec sursis ont été requis pour ces délégations de garde illégales par leurs titulaires en nombre insuffisant, pratique assimilée à de l’exercice illégal de la médecine. Le parquet a réclamé de 15 à 20.000 euros d’amende ferme à l’encontre du praticien recruteur « qui en a profité ». « Il y avait c’est une évidence une logique économique dans tout cela », a dit le procureur Ludovic Leclerc. Sentiment partagé par l’Ordre des médecins : « On nous dit qu’il n’y pas assez d’effectifs. La prestation sous-traitée est surtout moins onéreuse. »
« On pourrait même parler de travail dissimulé »
Une information judiciaire initiée en mars 2008 par une famille après le décès d’un proche au service de réanimation cardiologique - et clôturée par un non lieu - avait révélé une « sous-traitance » des gardes par les cinq médecins titulaires pourtant inscrits au tableau officiel des gardes tandis qu’un second tableau officieux affiché dans les services mentionnait les noms de médecins étrangers employés dans les hôpitaux publics mais pas encore inscrits à l’ordre. Ces « juniors » du public étaient rémunérés directement par une société commune à ces « seniors » du privé, sans jamais apparaître aux yeux de la direction de la clinique ni de l’Urcam.
Le code de la santé publique est strict : dans les établissements privés, les permanences doivent être assurées par un cardiologue faisant partie de l’équipe médicale du service ou à défaut par un cardiologue connu de la clinique et ayant les diplômes. « Finalement c’est un arrangement. On pourrait même parler de travail dissimulé puisque officiellement vous n’avez pas fait la garde », retient la président Christine Mée qui souligne que non seulement le médecin étranger « faisant office d’interne » a été mis hors de cause dans le décès du patient mais « qu’il n’est pas l’objet de cette audience de remettre en cause les compétences des uns et des autres. Vous apparaissez comme des médecins brillants, compétents et dévoués ».
« C’était une pratique tellement courante dans le public », s’est défendu le Dr. Hage, cardiologue libanais formé en Urkraine et payé 450 euros pour sa nuit de garde. « Je pensais que le titulaire était sur place à l’hôpital sinon je n’aurais pas accepté. Je me suis senti humilié comme jamais de ma vie quand les policiers sont venus chez moi et m’ont menotté. La direction de Clairval devait veiller sur les désignations des gardes. » Protestation identique du Dr. El Kamel, anesthésiste réanimateur tunisien : « On ne m’a pas demandé de certificat d’équivalence ni de licence de remplacement.» La présidente lui rappelle qu’ils étaient seuls et sans assurance civile professionnelle dans des services de réanimation où il peut se passer n’importe quel incident. « C’était sur-sécuritaire à Clairval », répond-il. Situation plus délicate pour son compatriote Guesmi : l’attestation produite indiquait qu’en tant que junior, il ne pouvait faire de gardes qu’exclusivement dans un établissement public sous l’autorité d’un senior.
« On les avait assurés qu’ils ne seraient jamais tout seul dans l’établissement », affirme de son côté le cardiologue Alain Cornen qui les a recrutés « par le bouche à oreille en prenant les plus aptes et les plus compétents, sans considérer la nationalité » et en disant ignorer les subtilités de la réglementation...
Délibéré 23 juin.
David COQUILLE
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